Une étude pointe le rôle des lipides, du sel et de la carnitine dans la relation observée entre les consommations de viandes rouge et transformée (charcuterie) et les maladies cardiovasculaires
L’évaluation de la contribution réelle de la viande rouge ou transformée à l’augmentation du risque de souffrir de maladies cardiovasculaires (MCV) nécessite l’identification de composants nocifs spécifiques et de leurs mécanismes pathologiques sous-jacents. En ce qui concerne les MCV, les lipides de la viande et leurs produits d’oxydation ont fait l’objet d’études récurrentes en raison de leurs implications sur le métabolisme des lipides, l’hypercholestérolémie, l’obésité et le risque de souffrir d’événements vasculaires tels que les accidents vasculaires cérébraux. L’impact d’une consommation excessive de NaCl sur l’augmentation de la pression artérielle est bien établi et les produits carnés transformés ont été reconnus comme un contributeur majeur au sodium alimentaire dans les pays développés. Des preuves récentes ont également suggéré que la carnitine provenant de la viande rouge, en tant que précurseur de la triméthylamine-N-oxyde (TMAO), dont il a été démontré qu’elle provoque l’athérosclérose, peut augmenter le risque de souffrir de maladies cardiovasculaires chez les animaux de laboratoire. Cette revue vise à fournir une vue d’ensemble actualisée, y compris les preuves, les controverses et les questions non résolues, concernant à la fois l’épidémiologie et les mécanismes reliant la consommation de viande rouge et de viande transformée aux maladies cardiovasculaires.
Données épidémiologiques
L’article commence par une revue des études épidémiologiques. Les méta-analyses montrent une association négative ou nulle entre la consommation de viande blanche et les MCV, alors que la consommation de viande rouge et/ou de viande transformée semble être associée à un risque relatif (RR) plus élevé pour les MCV tous cas confondus (mortalité, incidence des cardiopathies ischémiques, accident vasculaire cérébral total et/ou accident ischémique cérébral). Le RR varie de 9 à 42 % lorsque l’on compare une consommation élevée et une faible consommation, ou le nombre de portions par jour, et une grande hétérogénéité a été observée dans les méta-analyses sur les MCV et la mortalité due aux cardiopathies ischémiques. Ces valeurs modestes de RR peuvent ne pas être significatives au niveau individuel, mais peuvent avoir des implications au niveau de la population et être pertinentes du point de vue de la santé publique.
Mécanismes impliqués
L’article se poursuit par l’analyse détaillée des mécanismes impliqués : implication des lipides (cholestérol, acides gras saturés -AGS-, lipides oxydés), du sel, de la carnitine et du TMAO.
Les auteurs parlent de divergences de résultats concernant le rôle du cholestérol alimentaire sur les MCV. Des divergences qui pourraient être liées au fait que la plupart des aliments à forte teneur en cholestérol sont également riches en AGS, un déterminant connu des taux de cholestérol sérique. Concernant les AGS, ils citent les améliorations du profil en acides gras des viandes au fil du temps (réduction des AGS, augmentation des acides gras poly-insaturés -AGPI). Malheureusement, peu d’études d’intervention ont étudié l’impact de leur consommation sur la santé cardiovasculaire. Les rares études existantes montrent des résultats positifs mais doivent être confirmées et étendues. Les effets présumés de la consommation de viande et de produits carnés sur le risque de MCV ne peuvent être simplement déduits comme étant dus à la teneur en AGS. Il est nécessaire de poursuivre les recherches sur les effets du profil complet en acides gras de la viande et des produits carnés, afin d’établir leur rôle dans le développement des MCV.
Concernant la carnitine, cette dernière décennie, tout aspect positif la concernant a été remis en question du fait de son statut de précurseur du TMAO, un métabolite qui serait impliqué dans l’athérogenèse, le risque cardiovasculaire et sa mortalité associée. Pour autant, les auteurs ne conseillent pas de réduire la consommation de viande rouge, car la carnitine a des atouts et la teneur en TMAO dépend de la composition du microbiote du sujet et d’autres composés de l’alimentation pouvant empêcher sa production (resvératrol, allicine…).
Un rôle encore flou des différents composants de la viande
Les auteurs concluent que les lipides et les lipides oxydés, le NaCl et la carnitine, sont associés pour contribuer à la survenue d’événements cardiovasculaires par divers moyens. Cependant, le rôle de ces composants individuels dans les maladies chroniques ne peut pas être facilement extrapolé à la contribution d’aliments qui en contiennent. En réalité, les études épidémiologiques ne révèlent aucun lien officiel entre la consommation de viande rouge et de viande transformée et l’apparition de MCV. La prise en compte de la littérature scientifique actuelle conduit à des incohérences et des résultats contradictoires en ce qui concerne l’influence des lipides de la viande et de la carnitine sur les MCV.
L’influence des lipides alimentaires sur le métabolisme des lipides et les MCV est multiple et l’oxydation des lipides pourrait en partie expliquer l’impact négatif de cette relation. Étant donné que certains aliments comme le poisson, reconnu comme cardioprotecteur, entraînent une formation considérablement plus élevée de produits d’oxydation des AGPI oméga-3 au cours de la digestion et des niveaux plasmatiques de TMAO plus élevés que dans la viande rouge, il convient d’évaluer de manière critique le rôle interdépendant de l’oxydation des lipides, de la carnitine et du TMAO en tant que promoteurs de l’augmentation de la pression sanguine. La contribution de la viande transformée à l’apport total de NaCl et l’effet concomitant sur les
MCV est probablement la relation la plus établie. Par conséquent, la réduction et/ou le remplacement du sodium dans la transformation de la viande devrait avoir des effets favorables sur la diminution des MCV.
Référence : Delgado J, Ansorena D, Van Hecke T, Astiasarán I, De Smet S, Estévez M. Meat lipids, NaCl and carnitine: Do they unveil the conundrum of the association between red and processed meat intake and cardiovascular diseases? Meat Sci. 2020;171:108278.
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