Viandes « rouges » et cancer colorectal : les aléas de la communication
Dans l’édito du dernier numéro des Cahiers de Nutrition et de Diététique (Vol 50 – N° 6, décembre 2015), le professeur Guy-Grand apporte une analyse et un regard critique des conclusions mises en avant par la communication du CIRC et antérieurement par celle du WCRF et les met en perspective par rapport aux consommations de viande rouge et de charcuterie de la population française. Selon le professeur Guy-Grand : – L’association statistique entre consommation de viandes et de charcuteries avec la survenue de cancers colorectaux est indéniable et très abondamment documentée, incluant des études prospectives, des études cas-témoins et d’intervention. Mais il existe un certain degré d’hétérogénéité entre les études en fonction de la pertinence des ajustements effectués du fait des facteurs confondants ou co-facteurs (surpoids ou obésité ; autres aliments consommés et déséquilibres alimentaires ; tabagisme ; alcool, sédentarité, etc.), ceux-ci pouvant réduire le risque relatif. « Il n’est pas indifférent en effet, de manger son steak avec des frites ou avec des légumes et d’être en même temps sédentaire ou physiquement actif » (fibres et activité physique étant des facteurs protecteurs). – Dans l’ensemble le risque relatif est de l’ordre de 20%, « c’est-à-dire bien plus faible que celui qui est associé au tabac, à l’alcool ou à la pollution pour différents types de cancers et qui sont des problèmes majeurs de santé publique bien plus importants » – Les communications du CIRC et du WCRF invoquent le rôle du fer héminique (variable en fonction du calcium et des acides gras polyinsaturés peroxydés), des composés N nitrosés liés au fer héminiques ou aux nitrites des charcuteries, des hydrocarbures aromatiques et des amines hétérocycliques produites par la cuisson à haute température ou à flamme nue et qui sont des cancérigènes reconnus susceptibles d’altérer l’ADN. En fait, il n’y a pas de preuves directes que ces mécanismes soient à l’œuvre chez l’homme pour la consommation de viandes, sauf peut-être chez les consommateurs extrêmes (300–420g/j) et le rôle du mode de cuisson dans la modulation du risque n’est pas documenté bien qu’il soit lui aussi probable. – Les experts du CIRC estiment que pour la charcuterie l’ensemble de données et l’absence de biais permet la conclusion formelle de cancérogénécité. – Pour la viande rouge, l’hétérogénéité des données ne permet pas d’exclure l’influence de facteurs confondants notamment alimentaire d’où le « probablement cancérogène », ce que bien des médias ont occulté – La méta-analyse des études permettant d’établir des courbes dose–réponse indique un risque relatif de + 17 % par tranche de 100 g/j de viande rouge ou + 18 % par tranche de 50 g de charcuterie (entre 16 et 122 g/j). Mais « que signifie un risque relatif en l’absence de l’évaluation du niveau de risque si l’on veut pouvoir évaluer la réalité d’un danger ? » – Sur la base des données de consommation du Credoc 2013 – la moyenne de consommation de viandes de boucherie des adultes est de 52,5 g/j, 70 % de ceux-ci consomment moins de 70 g/j et seuls 10 % en consomment plus de 100 g/j – le risque réel semble faible et surtout concentré sur les gros consommateurs. Il en va de même pour la charcuterie dont les consommations moyennes sont de l’ordre de 35–40g/j. En conclusion, l’auteur rappelle que la viande est source de nutriments d’intérêt, de plaisir et de partage et qu’il ne s’agit pas d’en abandonner la consommation. Il rappelle également en revanche, qu’inciter les grands consommateurs à réduire leur appétit carné correspond simplement aux recommandations d’équilibre alimentaire globales. Source : Guy-Grand B. Viandes « rouges » et cancer colorectal : les aléas de la communication. Cah. Nut r.Diét., 50, 291-292
Article 9/59 du dossier "Viande, alimentation et cancer"
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