Quels enjeux émergents pour la filière ? Zoom sur le Space 2018 (Article de Synthèse)

Dessiner l’élevage de demain. Telle est l’ambition du Salon international des productions animales (Space). C’est donc à Rennes qu’il fallait se trouver du 10 au 13 septembre derniers pour débusquer les enjeux émergents de la filière.

Le bien-être animal, mais aussi celui de l’éleveur, sans oublier la protection de l’environnement, voici qui pourrait résumer les thèmes mis à l’honneur des conférences tenues en 2018 au cours des quatre jours du Space.

Homme, animal, environnement : « One Welfare »

Coop de France s’est par exemple penchée sur le concept « Un seul bien-être » ou « One Welfare » qui devient aujourd’hui une de leur ligne directrice : « Notre conviction aujourd’hui est qu’une approche plus globale est nécessaire, les interactions entre l’animal, l’homme et l’environnement étant permanentes », a ainsi porté Jean-Yves Ménard, référent pour bien-être animal à Coop de France. Car l’approche One Welfare met justement en évidence les interconnexions existantes entre le bien-être animal, le bien-être de l’Homme et l’environnement (voir Encadré), et n’est pas sans considérer la place et le bien-être des éleveurs. Plusieurs intervenants ont fait part de témoignages, d’initiatives ou encore de travaux menés dans ce cadre :

–        Lise Delcourt, ergonome chargée de missions à l’association régionale pour l’amélioration des conditions de travail en Bretagne ; et  Barbara Ducreux, chef de projets « Conditions de travail des hommes et protection animale pendant le transport et à l’abattoir », à l’Institut de l’élevage (Idele), sur l’aménagement des bouveries et bergeries d’abattoirs en lien avec la protection animale et sécurité des hommes ;

–        Stéphane Devillers, juriste animateur des actions RSE chez Allice, traitant du réseau Agri-sentinelles détectant et apportant une aide aux éleveurs en difficulté ;

–        Stéphane Berthelot, directeur de la division production porcine de Triskalia, sur la prise en compte des enjeux sociétaux au sein de la coopérative ;

–        Gilles Bernat, éleveur ovin, administrateur à Coop de France et élu référent du groupe de travail « Bien-être animal » à INTERBEV, sur l’engagement sociétal des filières élevage et viande.

 

L’approche « Un seul bien-être » ou « One Welfare »

Pour clarifier et faciliter la mise en œuvre de l’approche « Un seul bien-être », la FAO a proposé en 2017 un cadre conceptuel permettant d’apporter des précisions sur ce qu’il englobe :

– Diminution des mauvais traitements envers les animaux et les humains

– Amélioration du bien-être animal et aspects sociaux

– Amélioration du bien-être (la question de la pauvreté et de la solidarité)

– Amélioration du bien-être animal et sécurité sanitaire des aliments

– Amélioration du bien-être animal et du bien-être des éleveurs (accroissement de la productivité des élevages)

– Amélioration du bien-être animal, amélioration de la sécurité alimentaire et développement durable

– Une plus grande efficacité grâce à une approche pluridisciplinaire

– Un mutuel secours, un meilleur avenir

– Amélioration de la conservation de la biodiversité, aspects environnementaux et bien-être de l’homme.


La protection de l’environnement

La santé des prairies était également à l’honneur avec, par exemple, la présentation de Grassman, un bouquet d’applications dédié à la conduite de la prairie. Objectif : accompagner les éleveurs et leurs techniciens tout au long d’une saison fourragère. Choix des espèces, composition des semis, ajustement de la fertilisation azotée, diagnostic de la flore, propositions de stratégies de lutte contre les adventices, préconisations sur les périodes de fauches…  Pour toutes ces questions, Grassman propose un outil d’aide à la décision permettant d’obtenir une réponse instantanément « au pré ».

Une autre session était quant à elle consacrée aux mélanges céréales-protéagineux (méteils) récoltés en grain et les prairies multi-espèces. Le réseau REDCap, créé en 2011, y a présenté les résultats de ces travaux de recherche appliquée, ainsi que des solutions concrètes pour les éleveurs caprins souhaitant développer l’autonomie alimentaire et protéique de leur atelier caprin.

Une session a également fait le point sur le projet Life Beef Carbon (voir article Les filières et bovines face au changement climatique). Rappelons que ce projet international collectif piloté par l’Idele vise à évaluer l’empreinte carbone de 2 000 fermes en France, Italie, Espagne et Irlande, puis à tester et promouvoir des pratiques d’élevage de diminution de l’empreinte environnementale des exploitations. Les premiers résultats des diagnostics réalisés ont été présentés et se sont illustrés par des témoignages de conseillers et d’éleveurs impliqués dans le projet.

Santé animale

Des conférences se sont également focalisées sur la santé animale avec, par exemple, une session ayant mis en lumière plusieurs travaux récents réalisés en collaboration par l’Idele et l’INRA, avec des groupements et éleveurs de l’Ouest. Ces travaux cherchent à améliorer la santé des taurillons dès leur entrée en atelier d’engraissement, où plus de la moitié des problèmes sanitaires rencontrés par les éleveurs sont actuellement liés à des pathologies respiratoires.

Les filières et les éleveurs face aux controverses

Autre sujet à l’honneur : les controverses sur l’élevage, qui ont fait débat, comme dans le cadre d’un Théma consacré au projet Accept. Les experts y ont décrit cinq scénarios contrastés pour l’élevage à l’horizon 2040, selon l’évolution des controverses et des attentes citoyennes.

Les éleveurs ont été quant à eux au centre d’une autre conférence axée sur le bien-être animal et organisée par La France Agricole. Objectif ? Ouvrir le dialogue avec différentes parties prenantes, y compris les associations œuvrant pour l’amélioration des conditions d’élevage. Intitulée « Bien-être animal : les éleveurs face aux controverses », cette conférence a dénoncé les positions de certaines associations désireuses d’abolir l’élevage et qui, bien que minoritaires, s’avèrent omniprésentes dans les médias. « Auparavant, il y avait des critiques sur le mode d’élevage, mais pas sur son existence même », souligne ainsi Marie-Gabrielle Miossec, journaliste à La France agricole, en préambule.

C’est notamment dans le but d’évaluer et d’appréhender les attaques auxquelles font face les filières que les instituts techniques de l’élevage (Idele, Ifip et Itavi) ont lancé le projet Accept (2014-2017). « Dans ce projet, nous parlions initialement “d’acceptabilité sociale”, avec l’objectif de rechercher des solutions pour des pratiques acceptables. Or, les débats dominants portent sur la définition de modèles d’élevage. Nous avons donc décidé d’aller sur les controverses, pour analyser l’ensemble des débats et en comprendre les enjeux, afin de définir une stratégie. De passer en position offensive », explique Christine Roguet, de l’Ifip, qui préconise aux éleveurs de se rendre visibles en ouvrant leurs portes et en dialoguant. Elle a par ailleurs dressé un état des lieux des différentes initiatives des filières d’élevage à travers l’Europe. Enfin, Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique à l’Inra, a fait état des controverses et principales réponses à apporter notamment sur les aspects environnementaux et les services rendus par l’élevage (stockage de carbone, maintien de la biodiversité, entretien des paysages…).

Concilier élevage et attentes de la société

Lors d’une autre session de conférences, le Syrpa, association regroupant les communicants du monde agricole, s’est interrogé sur les moyens de concilier élevage et évolution des attentes de la société en la matière. Car les inquiétudes des éleveurs sont légitimes, notamment en matière de financement : « Personne ne se pose la question de savoir qui paie », souligne ainsi François-Régis Huet, éleveur de porcs. Constat rassurant au demeurant : le regard de la société française sur l’élevage n’est pas si sombre. D’après une enquête réalisée auprès de 1 000 lycéens, Christine Roguet, ingénieur à l’Institut technique du porc (Ifip), note « une vision un peu idéalisée [du bien-être animal] avec des notions de liberté et de naturalité ». La majorité des jeunes développe ainsi une vision progressiste « qui n’est pas opposée à l’élevage intensif mais veut des améliorations », pointe la scientifique.

A ce sujet, François Cassignol de Culture Viande a rappelé la démarche d’INTERBEV, Pacte pour un Engagement Sociétal. Celui-ci vise en effet la concertation large avec les parties prenantes et la mise en place d’outils collectifs d’amélioration continue, notamment pour apporter des garanties sur la protection animale tout au long de la filière. En matière d’amélioration des conditions de vie des animaux de ferme, Welfarm, une association dédiée à cette cause, ne manque pas non plus d’idées et ses propositions ne lèsent pas les producteurs : « On souhaiterait que les animaux soit élevés sur une durée plus longue avec un peu plus d’espace et à un coût un peu plus élevé, ce qui permettrait de mieux rémunérer l’éleveur », résume Ghislain Zuccolo, son directeur et cofondateur.

Enfin, les aspects sociétaux liés à la production des veaux de boucherie ont également été abordés. La session organisée par l’Idele, en partenariat avec la CRAB, le GIE Elevage Bretagne et Interveaux visait à mieux comprendre les controverses liées à cet élevage et à présenter les principales actions mises en œuvre par la filière dans son plan stratégique pour préserver une production forte, économiquement solide et répondant aux attentes sociétales.

Source : Idele, où vous pouvez retrouver l’ensemble des présentations.