Pratiques et croyances des Européens sur les antimicrobiens : les résultats de l’Eurobaromètre 2018 (Article de synthèse)
Parce que les antibiotiques sont encore trop automatiques, la Commission européenne a lancé un important plan d’action en Europe. Au rang des initiatives : la réalisation d’un Eurobaromètre de la sensibilisation des citoyens de l’Union Européenne aux antibiotiques et à leur utilisation en médecine humaine et dans l’agriculture. Les résultats viennent juste d’être publiés.
En novembre 2018 a été publiée la 4e édition du baromètre européen « Antimicrobial Resistance », qui compile les résultats d’une enquête menée auprès du grand public européen afin d’appréhender son niveau d’utilisation et ses connaissances sur les antibiotiques. Autres données d’intérêt de cet Eurobaromètre : une comparaison par rapport aux résultats des précédentes éditions datées de 2009, 2013 et 2016.
Pourquoi ces baromètres ?
Depuis la découverte de la pénicilline en 1928, les agents antimicrobiens ont sauvé bien des vies. Mais ces progrès sont aujourd’hui menacés en raison, principalement, de leur consommation abusive ou inappropriée.
Les conséquences de la résistance aux antimicrobiens sont déjà lourdes : 25 000 décès par an dans l’Union européenne (700 000 dans le monde), et des coûts en soins de santé et en pertes de productivité estimés à 1,5 milliard d’euros par an rien qu’en Europe. La résistance aux antimicrobiens pourrait causer davantage de décès que le cancer à l’horizon 2050.
Pour contrer cette menace, dès 2001, l’Union Européenne a lancé une stratégie communautaire de lutte contre la résistance antimicrobienne. Cette politique a été renforcée par les plans d’action 2011 puis 2017 de la Commission, avec la démarche globale « One Health » (« Une seule santé »). Objectif : lutter contre la résistance tant chez l’Homme que chez l’animal, les deux étant liées (l’Homme transmet des maladies aux animaux et inversement).
Or, les connaissances, attitudes et comportements du public sont d’une importance vitale pour assurer l’utilisation prudente des antimicrobiens.
Une diminution des antibiotiques mais encore 20 % d’usages inadéquats
Dans le cadre de ce dernier Eurobaromètre, 27 474 citoyens des 28 pays membres de l’Europe ont été interrogés en septembre 2018. Leurs réponses montrent une diminution du recours aux antibiotiques : 32 % en ont pris sur les 12 derniers mois en 2018, contre 34 % en 2016 et 40 % en 2009.
Cette prise d’antibiotiques faisait majoritairement suite à une prescription médicale (93 %) ; les 7 % restants résultant d’une délivrance en pharmacie ou de la consommation de restes de précédentes prescriptions. Le plus souvent, il s’agissait de soigner une bronchite (16 %), un mal de gorge (14 %), une grippe (12 %), une infection des voies urinaires (UTI) (12 %) ou une fièvre (11 %).
Encore 20 % des personnes interrogées (contre 27 % en 2016) en ont consommé de manière inappropriée, pour venir à bout d’une grippe ou d’un rhume… sans doute parce que 48 % des Européens pensent encore que les antibiotiques peuvent tuer les virus (seulement 43 % des Europénes – 53 % des Français – savent que ce n’est pas le cas). En outre, seulement 41 % des personnes ayant consommé des antibiotiques dans les 12 derniers mois ont bénéficié d’un test validant l’origine microbienne de la maladie avant prescription, avec de fortes disparités d’une nation à l’autre : 72 % des personnes soignées avec des antibiotiques en République tchèque ont bénéficié d’un test avant la prescription (meilleur score), 44 % en France et 34 % en Italie (plus mauvais élève).
85 % savent qu’une consommation inutile rend les antibiotiques inefficaces
Pourtant, les Européens ne sont pas non plus totalement dénués de connaissances en matière d’antimicrobiens : 85 % d’entre eux sont conscients que leur utilisation inutile les rend inefficaces, 68 % qu’ils ont des effets secondaires comme la diarrhée, 84 % qu’un traitement antibiotique ne doit pas être interrompu. D’ailleurs, 33 % reconnaissent avoir été informés durant les 12 mois écoulés quant à l’importance de ne pas utiliser les antibiotiques de manière inappropriée (pour un rhume par exemple), notamment par leur médecin (41 %, en hausse de 9 % par rapport à 2016), des programmes télévisés (28 %), de la publicité télévisuelle (24 %), le journal (15 %), les réseaux sociaux (15%). Cependant, sept Européens sur dix avouent ne pas avoir pour autant changé ses habitudes…
Quid de l’agriculture et de l’environnement ?
56 % des Européens considèrent qu’il est normal que les animaux malades puissent être traités avec des antibiotiques, et 38 % déclarent savoir que l’usage d’antibiotiques pour stimuler la croissance des animaux est interdit en Europe. Soit des résultats en ligne avec ceux obtenus en 2016.
Enfin, dans leur quête d’information sur les antibiotiques (67 % des Européens déclarent vouloir des informations supplémentaires sur les antibiotiques), 24 % aimeraient mieux comprendre les liens entre la santé des humains, des animaux et de l’environnement, soit 1 % de plus qu’en 2016. Un thème qui intéresse donc fortement les Européens, au même titre que les problèmes de santé nécessitant le recours aux antibiotiques (26 %), la résistance aux antibiotiques (25 %), ou la manière de les utiliser (24 %).
Source : Baromètre européen « Antimicrobial Resistance », 2018.
Article 17/17 du dossier "L’antibiorésistance des bactéries d’origine animale"
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