Le carbone stocké par l’agroforesterie mieux pris en compte par le GIEC

On sait que les systèmes agroforestiers stockent davantage de carbone que des parcelles agricoles cultivées de manière conventionnelle. Pourtant, l’agroforesterie n’est à ce jour pas bien prise en compte dans la comptabilité carbone développée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Grâce à une revue de la littérature, des chercheurs du Cirad et de la FAO ont établi des coefficients de stockage de carbone dans le sol et dans la biomasse aérienne et souterraine de différents systèmes agroforestiers. Ces nouvelles données vont être intégrées dans l‘amélioration des lignes directrices 2006 du GIEC pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre. Des travaux à retrouver dans la revue Environmental Research Letters.

Les systèmes agroforestiers ont la capacité de stocker de grandes quantités de carbone. Mais combien exactement ? C’est à cette question qu’ont répondu des chercheurs du Cirad et de la FAO. Par une revue de la littérature scientifique, ils ont compilé les coefficients de stockage de carbone dans le sol et dans la biomasse, par climat, région et par grand type de système agroforestier.

Des coefficients pris en compte dans la comptabilité carbone du GIEC

« Il s’agit d’une étape importante pour la reconnaissance de l’agroforesterie dans la comptabilité carbone proposée par le GIEC  », commente Rémi Cardinael, agro-pédologue au Cirad et premier auteur de ces travaux. Jusqu’à présent, les systèmes agroforestiers étaient classés dans la catégorie « cultures pérennes » au même titre que les vignes, les vergers ou encore les plantations pérennes monospécifiques comme l’hévéa, bananiers, cacaoyers ou caféiers. Pourtant, il s’agit de systèmes complètement différents. Mais en 2006, il n’existait pas suffisamment de données publiées pour pouvoir proposer des coefficients spécifiques à chacun de ces systèmes. Seuls des coefficients globaux étaient proposés pour la biomasse aérienne.
Ces nouveaux coefficients sont d’ores et déjà pris en compte dans l’amélioration des lignes directrices 2006 du GIEC pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre. La version finale de ce document sera adoptée lors d’une session plénière du groupe d’experts prévue en mai 2019.

Mieux considérer la diversité des systèmes agroforestiers

Rémi Cardinael et ses collègues de la FAO ont décrypté 122 articles comprenant un total de 542 observations. Ils ont calculé des coefficients de stockage de carbone dans le sol et dans la biomasse aérienne et souterraine par climat, région, et pour huit grands types de systèmes agroforestiers : cultures intercalaires (alley cropping ou tree-based intercropping), jachères (fallows), haies (hedgerows), agroforêts (multistrata),parcs agroforestiers (parklands), systèmes de cultures pérennes sous ombrage (shaded perennial-crop system), systèmes sylvo-arables (silvoarable system) et sylvo-pastoraux (silvopastoral systems). « Ces coefficients par climat et grandes régions du monde représentent une amélioration très significative pour mieux prendre en compte la diversité des systèmes agroforestiers, souligne Rémi Cardinael. Mais ils mériteraient encore d’être affinés, aussi nous encourageons les gouvernements nationaux à synthétiser ou à produire des données locales de stockage de carbone.  »

Quel impact du changement d’usage des terres sur les stocks de carbone ?

Les stocks de carbone organique du sol sont très sensibles au changement d’usage des terres. « Une même pratique agroforestière peut avoir un effet positif ou négatif sur le carbone du sol selon l’utilisation précédente des sols, explique Rémi Cardinael. Par exemple, la mise en place d’un système agroforestier sur une forêt va en général entraîner une diminution des stocks de carbone dans le sol (mais une perte moindre que si la forêt était convertie en terres cultivées), alors que ce même système pourrait avoir un effet très bénéfique si mis en place sur une parcelle cultivée. C’est pourquoi les taux de stockage proposés dépendent de trois grands types d’utilisation précédente des sols : forêt, parcelle cultivée et prairie.  »

Améliorer les outils d’évaluation d’impact carbone

Ces taux de stockage ou de perte de carbone lors d’un changement d’usage des terres pourront être utilisés pour améliorer des outils de bilan carbone. Un module « agroforesterie » est en cours de développement dans EX-ACT, un outil développé par la FAO qui permet de faire l’évaluation ex ante d’un projet en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

Source : Cirad.