Le changement d’usage des sols dans l’adaptation et l’atténuation du changement climatique
Des chercheurs de l’Inra montrent qu’en France, le changement climatique s’accompagnerait d’une augmentation des surfaces cultivées aux dépens des prairies et des forêts. Ce changement d’usage entraine un accroissement des émissions de gaz à effet de serre. Leur réduction aurait un coût moindre si les mesures de réduction, portées par les politiques publiques, prenaient en compte les changements d’usages des sols.
Le changement climatique est un enjeu majeur pour les sols. Agriculture, forêts, prairies, zones naturelles et zones urbaines, ils sont à l’origine d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre (25 % des émissions au niveau global), mais ils sont également susceptibles d’être directement affecté par le dérèglement climatique.
Dans la perspective de lutter contre le changement climatique que l’on évoque les acteurs des territoires ou que l’on parle de politiques publiques, deux voies d’action sont possibles :
- l’atténuation qui contribue à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique (source : Ademe) ;
- l’adaptation dont l’objectif est de limiter les impacts négatifs du changement climatique et en maximiser les effets bénéfiques (source : CEDD).
Si historiquement, elles ont été traitées de façon indépendante, elles sont, dans le secteur des sols, liées et leur interaction est une question clé pour la conception des politiques climatiques.
Des questions de société aux modèles économétriques
Comment les usages des sols vont-ils s’adapter au changement climatique en France ? A quel coût pour la société peut-on espérer réduire les émissions de GES du secteur agricole français ? Comment ce coût est-il affecté par le changement climatique ?
C’est à ces questions que des scientifiques de l’Inra ont cherché à répondre. Ils ont utilisé deux modèles bioéconomiques sectoriels de l’agriculture et de la forêt combinés à un modèle économétrique d’utilisation des terres pour simuler les impacts de deux scénarios de changement climatique :
- un scénario pessimiste, prévoyant une augmentation de température comprise entre 1,4 °C et 6,4 °C assortie d’une augmentation de la population ;
- •un scénario optimiste, combinant une augmentation de température entre 1,1 °C et 2,9 °C doublée d’une faible augmentation de la population voire de sa réduction à la fin de ce siècle ;
- et un scenario de politique publique d’atténuation sous la forme d’une taxe sur les émissions de GES dans l’agriculture.
Les changements d’usages des sols comme levier d’adaptation
Les chercheurs montrent que les deux scénarios de changement climatique conduisent à une augmentation de la surface en culture aux dépens des surfaces en forêt et en prairie, moins rentables. Ces changements d’usage des sols s’accompagnent d’un accroissement des émissions de GES responsables du changement climatique. L’introduction d’une taxe sur ces émissions pourrait réduire l’expansion des surfaces en culture.
Ils révèlent que le coût de réduction des émissions de GES dans le secteur agricole dépend fortement des possibilités d’adaptation dont disposent les agriculteurs. Si celles-ci se restreignent à des ajustements techniques (choix des cultures, quantités d’engrais…) au sein des exploitations, le coût d’atténuation reste élevé, doublant voire triplant dans le cas des deux scenarios climatiques. Par contre si les changements d’usages des sols sont pris en compte, comme le permet le modèle économétrique d’utilisation des terres, et considérés comme un levier d’adaptation, ce coût diminue et est alors comparable à celui déterminé pour le secteur énergétique.
La politique publique concernant les sols peut appliquer des taxes ou des subventions pour respectivement pénaliser les activités à effets négatifs ou favoriser celles qui sont bénéfiques dans la lutte contre le changement climatique. Néanmoins, le travail réalisé par les chercheurs de l’Inra montre que cette politique doit évoluer et prendre en compte l’adaptation au changement climatique afin d’éviter ses conséquences indésirables.
Aujourd’hui, à l’échelle de l’Europe, les scientifiques s’intéressent à l’impact du changement climatique sur le bilan carbone dans le cadre de l’Institut Convergences CLAND. Ils explorent également les effets d’une réduction de moitié des engrais azotés sur les usages des sols et les services écosystémiques (Projet STIMUL – Scenarios towards integrating multi-scale land-use tools ; LabEx BASC, 2016-2019).
Source : Inra.
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