BioNutrinet examine les régimes bio sous l’angle de la durabilité mais l’analyse environnementale reste partielle (Article de synthèse)
Une étude épidémiologique multi-critères menée dans le cadre du projet BioNutriNet examine les régimes bio sous l’angle des impacts nutritionnels, environnementaux et toxicologiques (exposition aux résidus de pesticides), ainsi que de leur coût d’achat. D’après les auteurs eux-mêmes, certaines conclusions sont directement influencées par le style de vie et le régime alimentaire global, plus que par la consommation de produits bio ; quant à la méthodologie retenue pour mesurer les impacts environnementaux, elle reste incomplète.
C’est sous le titre “Improvement of diet sustainability with increased level of organic food in the diet: findings from the BioNutriNet cohort” que viennent d’être publiés, dans la revue The American Journal of Clinical Nutrition, les résultats d’une étude épidémiologique menée par l’Inra et ses partenaires [1]. Objectif : évaluer l’impact de la part de bio dans l’alimentation des Français sur quatre dimensions de durabilité, à savoir la nutrition, l’environnement, l’économie et la toxicologie.
29 210 adultes de BioNutriNet
Au total, l’étude porte sur 29 210 adultes mobilisés dans le cadre du projet français BioNutriNet lancé en 2009 dans le cadre de l’étude Nutrinet-Santé. Leurs données de consommation d’aliments bio et conventionnels ont été collectées en 2014 à l’aide d’un questionnaire de fréquence alimentaire semi-quantitatif portant sur 264 items alimentaires et une échelle de fréquence de consommation de bio. Soit une méthodologie plus précise que celle mise en œuvre dans une précédente étude sur le bio, publiée par une partie de ces mêmes auteurs et aujourd’hui remise en cause par l’Académie Nationale de médecine (voir article « Alimentation bio et cancer : une conclusion trop hâtive ? »). Des informations sur le mode de vie, les lieux d’achat du bio et l’indice de masse corporelle (IMC) ont également été consignées.
Alimentation des CONSOMMATEURS « bio »
Pour croiser le niveau de bio dans l’alimentation avec différents indicateurs de durabilité, les chercheurs ont comparé d’un côté les 20 % de participants non consommateurs de bio avec les 20 % de grands consommateurs (plus de 50 % de produits bio, avec une moyenne à 71 %).
Les résultats mettent en évidence des habitudes spécifiques des grands consommateurs de bio : une part plus importante de végétaux dans leur alimentation soulignée notamment par un rapport protéines végétales / animales de 14,29 (contre 0,46 pour les non consommateurs) mais aussi par de plus grandes quantités de fruits et légumes, des apports plus faibles en viande rouge (- 51 % comparativement aux non consommateurs de bio) et en produits laitiers (- 38 %), et des apports énergétiques sensiblement plus élevés (2 115 Kcal / jour versus 2 040 Kcal / jour).
Nutritionnellement plus correct mais plus cher
Le régime alimentaire observé chez les grands consommateurs de bio s’avère davantage en adéquation avec les dernières recommandations nutritionnelles : moins d’acides gras saturés, moins de sucres ajoutés, un rapport protéines végétales / protéines animales plus équilibré, davantage d’acides gras poly-insaturés.
Par ailleurs, malgré des apports énergétiques supérieurs, l’IMC moyen des grands consommateurs de bio s’avère très significativement inférieur à celui des non consommateurs (23,2 kg/m² vs 27,3 kg/m²). De quoi laisser à penser que c’est tout un mode de vie, incluant l’activité physique et non seulement le régime alimentaire, qui est en jeu. D’ailleurs, les auteurs concèdent que ce n’est pas tant le caractère « bio » des aliments que la composition plus équilibrée du régime qui représente un facteur d’influence.
Enfin, les auteurs soulignent un revers de la médaille de cette alimentation bio : un coût plus élevé d’environ 20 % pour les grands consommateurs de bio (8,8 €/ jour vs 7,0 €/ jour).
Un moindre impact carbone lié à la végétalité
Côté environnement, les impacts relatifs à la consommation d’énergie, l’utilisation de terres et les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont été calculés pour une centaine de produits animaux et végétaux à la sortie de la ferme via la base de données DIALECTE intégrant 2 000 exploitations agricoles dont 50 % en agriculture biologique. Les calculs d’impact ont été réalisés pour les 442 ingrédients composant les 264 aliments référencés dans l’étude BioNutriNet. Là encore, la méthodologie retenue présente des limites comme l’ont rappelé les auteurs dans le séminaire de présentation de l’étude, le 21 juin dernier. Certes, l’évaluation de l’effet des différentes catégories d’aliments sur l’environnement tient compte ici de trois critères (consommation d’énergie, utilisation de terres et émissions de GES) contre le seul impact carbone considéré habituellement, mais de nombreux impacts (dégradation des terres, acidification de l’air, eutrophisation marine, épuisement des énergies fossiles, utilisation de phytosanitaires, etc.) et services (maintien ou gain de biodiversité, fertilisation de sols, stockage de carbone liées notamment aux prairies, etc.), plus complexes à évaluer, restent non intégrés.
MAIS UNE ANALYSE ENVIRONNEMENTALE PARTIELLE
Il ressort des calculs des auteurs que le régime alimentaire des grands consommateurs de bio serait moins impactant pour le climat en termes d’émissions de GES (3,17 vs 5,07 kg eq CO2/j), de consommation d’énergie primaire (14,67 vs 19,72 MJ/j) et d’occupation des sols agricoles (9,51 vs 12,35 m²/j). Un résultat qui s’expliquerait en majeure partie par l’importance des aliments végétaux dans les assiettes des grands consommateurs de bio (induisant une diminution des GES et de l’occupation des terres) ; tandis que seule la diminution de la consommation d’énergie primaire s’avère directement liée au mode de production bio. Cependant les critères retenus influencent directement les résultats : il est par exemple connu que l’évaluation de l’impact carbone est particulièrement défavorable à la viande de ruminants (émission de méthane, longue durée de vie des animaux), tandis que la biodiversité, le stockage du carbone par les prairies ou l’utilisation des sols non cultivables, beaucoup plus favorables pour les ruminants, ne sont pas pris non pris en compte ; etc.
Une réduction de l’exposition aux résidus de pesticides
Enfin, l’étude souligne une réduction de 40 % en moyenne de l’exposition aux résidus de pesticides de synthèse (de – 23 % à – 100 % inférieure selon les molécules) chez les grands consommateurs de bio. Avec quelques exceptions, comme le spinosad et les pyréthrines naturelles autorisés en agriculture biologique. Le mode de production bio interdisant les pesticides de synthèse expliquent naturellement cette moindre exposition.
Un fascicule pour résumer le projet BioNutriNet
[1] Les partenaires du projet ANR BioNutriNet : Inra, ITAB, Inserm, Bio Consom’acteurs, CHU Grenoble, Solagro, Cnam, Université Paris13.
Source : Inra.
Référence : Baudry J, Pointereau P, Seconda L, et al. Improvement of diet sustainability with increased level of organic food in the diet: findings from the BioNutriNet cohort. Am J Clin Nutr. 2019 Apr 1;109(4):1173-1188.
Sources : Inra ; Séminaire « BioNutriNet : Vers une alimentation bio et végétale, bonne pour la santé, l’environnement et le climat« , le 21 Juin 2019.
Article 4/9 du dossier "Evaluation environnementale des viandes"
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