Conférence Idele Grand Angle Viande 2019 : progrès techniques et défis futurs (article d’analyse)
La 6e édition de la Conférence Grand Angle Viande s’est tenue le 5 décembre 2019 à Paris et sur 8 sites en région. 150 participants y ont découvert les derniers travaux de recherche appliquée dans le domaine de la production et de la transformation de viande.
Défiance des consommateurs, diminution du nombre d’exploitations allaitantes…malgré un contexte socio-économique délicat, la filière bovine a démontré, au cours de cette nouvelle édition de la conférence Grand Angle Viande, sa volonté de répondre aux défis futurs tout en garantissant la viabilité de ses acteurs.
Regard de la société sur la viande bovine
Malgré le contexte actuel de défiance vis-à-vis de l’élevage et plus globalement du système alimentaire industriel, Nathalie Damery, cofondatrice de l’Observatoire société et consommation (Obsco), a ouvert la journée en rappelant que les consommateurs sont loin de rejeter massivement la viande. S’ils portent plus d’attention à leur alimentation que par le passé, 80 % d’entre eux déclarent ne pas suivre de régime alimentaire particulier (sondage Obsco, 2017) … de quoi relativiser face à la surreprésentation médiatique des mouvements végans, qui concernent en réalité seulement 0,4 % de la population.
Selon Nathalie Damery, le schéma alimentaire des pays industrialisés évoluera vers le « flexitarisme », qui revient, selon ses termes, à manger de tout, en quantité raisonnable et en privilégiant la qualité. Une tendance dont s’est d’ores et déjà emparée la filière : promouvoir la qualité, via le développement de la viande bovine Label Rouge, constitue en effet un des axes prioritaires du plan de filière élaboré par Interbev fin 2017.
L’engagement sociétal et le Label rouge au cœur du plan de la filière bovine
Elaboré à l’issue des États généraux de l’alimentation organisés par le gouvernement en 2017, ce plan poursuit un double objectif : mieux satisfaire les consommateurs pour encourager la consommation de viande bovine française, et assurer une rémunération correcte aux différents maillons de la chaîne.
Annick Jentzer, responsable de la section bovine d’Interbev, en a détaillé les points clés : engagement sociétal de la filière (information des consommateurs, préservation de l’environnement et du bien-être animal, diminution de l’utilisation d’antibiotiques…), amélioration de la tendreté de la viande (des outils pour mesurer le persillé de la viande sont à l’étude), revalorisation de l’origine France en restauration hors domicile (objectif de 80 % en 2028 contre 48 % actuellement).
Dernier axe majeur du plan de filière : promouvoir les viandes de bœuf Label rouge. Garant de caractéristiques organoleptiques supérieures, ce signe de qualité déjà bien connu des consommateurs repose sur le respect d’un cahier des charges public et réactualisé. Annick Jentzer en a souligné les principales exigences : 5 mois minimum de pâturage, 80 % d’autonomie alimentaire, avec une alimentation 100 % végétale sur les exploitations qualifiées (15 000 à l’heure actuelle), durée de maturation minimale de la viande et à terme, intégration d’un diagnostic évaluation du bien-être animal en élevage… Le développement de la viande Label rouge passe aussi par la contractualisation entre les professionnels de la filière rendue obligatoire par accord interprofessionnel, et la communication auprès des vendeurs (boucheries, GMS…) et du grand public.
Actualiser les données sur l’élevage bovin allaitant
Différents intervenants ont par ailleurs partagé les résultats des récentes études menées au sein de la filière bovine. Concernant l’évolution du cheptel allaitant par exemple, Hélène Fuchey, de l’Institut de l’élevage (Idele), a évoqué la diminution rapide du nombre d’ateliers depuis 2016. Le cheptel allaitant français a ainsi perdu 80 000 vaches entre 2017 et 2018. Première raison invoquée par l’experte : l’accélération de la baisse du nombre de détenteurs, due en grande partie aux départs en retraite. Un phénomène qui pourrait perdurer voire s’accentuer : 49 % des détenteurs de vaches allaitantes ont entre 50 et 60 ans aujourd’hui.
Sur le plan technique, Isabelle Legrand de l’Idele a présenté les résultats d’une étude visant à actualiser les rendements d’abattage1 et de découpe2 de gros bovins décrits dans « l’inventaire », document de référence datant de 1984. Alors que ce document donnait des valeurs moyennes (de 55 et 70 % respectivement pour les rendements d’abattage et de découpe), ce nouveau travail a mis en lumière la grande variabilité des rendements selon le type(laitière, mixte, allaitante) et la catégorie de bovins considérée (vache, génisse, jeune bovin, bœuf…).
Le rendement d’abattage varie ainsi de 52 % pour une vache charolaise à 65 % pour un jeune bovin de race Blonde d’Aquitaine. Les jeunes bovins limousins présentent des rendements d’abattage de 62 %, contre 57 % pour les charolais. Le rendement de découpe varie quant à lui de 69 à 76 % toutes races et catégories confondues. Il reste globalement inférieur chez les races laitières, à l’exception des jeunes bovins de race Montbéliarde dont le rendement de découpe avoisine celui des races à viande (75 %).
Ces données ainsi réactualisées seront intégrées aux programmes d’enseignement agricole, et aux applications informatiques dédiées à l’élevage.
Environnement et efficience alimentaire : des axes de recherche pour la filière
Si les travaux de recherche des dernières décennies visaient essentiellement à améliorer les performances technico-économiques des élevages, la réduction de leur impact environnemental constitue désormais un axe de recherche prioritaire pour les scientifiques, qui ont présenté les avancées dans ce domaine au cours de la conférence.
Les chercheurs de l’Idele en partenariat avec Interbev et d’autres structures d’expertise et de conseil, ont ainsi développé des outils comme CAP’2ER® (Calcul Automatisé des Performances Environnementales en Elevage de Ruminants), afin d’évaluer les impacts environnementaux à l’échelle d’une exploitation. CAP’2ER® calcule notamment les émissions de gaz à effet de serre relatives à la production, exprimées en kg d’équivalent CO2 par kilo de viande produite.
Le projet Life Beef Carbon, piloté par l’Idele, cofinancé par la Commission Européenne et Interbev a mis en œuvre cet outil dans 1 700 fermes françaises et structures de référence. Résultat : les performances technico-économiques vont de pair avec les performances environnementales, et l’amélioration de la productivité, de l’efficience alimentaire et de la reproduction constituent des leviers d’action déterminants pour diminuer l’empreinte carbone des exploitations.
Améliorer l’efficience alimentaire des bovins allaitants constitue le cœur d’un autre projet piloté par l’Inra et l’Idele : Beefalim 2020. Les chercheurs tentent d’identifier les critères génétiques, biologiques ou morphologiques déterminant la capacité des animaux à valoriser leur alimentation. Une étude menée sur des génisses montre ainsi que les femelles avec un faible poids de naissance sont plus grasses, plus précoces sexuellement, plus efficientes alimentairement, et donc plus performantes d’un point de vue environnemental.
L’élevage du futur
La filière bénéficie également des dernières avancées technologiques, avec le développement d’outils numériques disponibles pour les éleveurs et les conseillers. Calcul de productivité, de marges nettes par atelier : Apibov et Decibov, disponibles via des applications en ligne, constituent une aide au pilotage des exploitations.
Cette nouvelle conférence Grand Angle Viande témoigne ainsi de l’engagement de la filière bovine pour faire face aux défis futurs : produire une viande de qualité, issue d’élevages plus performants, compétitifs et respectueux de l’environnement, afin de satisfaire des consommateurs toujours plus exigeants.
Source : Idele.
1 Rendement d’abattage = poids de carcasse/poids vif
2 Rendement de découpe = poids de viande nette (après désossage et parage) / poids de carcasse
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