Vers une agriculture plus durable grâce aux synergies entre cultures et élevage (Article d’analyse)

Au cours des dernières années, les plateformes européennes Animal Task Force (ATF) et Plants for the Future (Plant ETP) ont engagé un travail de réflexion pour que les cultures et l’élevage retrouvent un fonctionnement synergique. Après la publication d’un document stratégique en 2019, un webinaire s’est déroulé le 4 novembre 2020. Retour sur les grandes lignes de cette approche conjointe. 

Améliorer la durabilité de l’agriculture, c’est relever de nombreux défis : produire des aliments abordables, d’une qualité et d’une diversité nutritionnelles suffisantes pour tous ; adapter les pratiques agricoles au changement climatique ; préserver la biodiversité ; etc. Et ces défis relèvent de l’urgence. L’Animal Task Force (ATF), partenariat européen public-privé, et la plateforme de technologie européenne Plants for the Future (Plant ETP) en ont bien conscience : c’est pourquoi ces deux structures ont choisi de se mobiliser conjointement sur ces aspects dans le cadre de la stratégie européenne Farm to Fork (voir article « De la ferme à la table : la nouvelle stratégie de la Commission européenne »).

Objectif : contrer les dommages des systèmes intensifs

Le constat est simple : en visant uniquement la productivité, la Révolution verte a engendré des systèmes intensifs, plus spécialisés et spatialement espacés, causant de nombreux effets négatifs (perte de biodiversité, dégradation des écosystèmes…). L’objectif du rapprochement de l’ATF et de Plant-ETP est de s’appuyer à nouveau sur les synergies entre cultures et élevage pour parvenir à un système circulaire de ressources nutritives, à des sols et des écosystèmes sains, à une biodiversité restaurée et à un paysage attrayant, le tout en atténuant le changement climatique et en garantissant des revenus équitables aux agriculteurs.

ATF-Plant ETP, un positionnement commun

Grâce à des ateliers de travail menés en 2017 et 2018, les réflexions des deux organismes ont conduit à la publication, dès septembre 2019, d’un article de positionnement commun intitulé « Research and Innovation towards a more sustainable and circular European agriculture – Exploring synergies between the livestock and crop sectors ».

Cet article considère qu’au cours des prochaines décennies, l’Europe cherchera à réduire progressivement sa dépendance, non seulement à l’égard de l’importation de protéines pour l’alimentation animale, mais aussi vis-à-vis de l’énergie fossile pour la synthèse d’azote minéral. En outre, l’agriculture européenne s’efforcera d’adopter des approches circulaires pour améliorer encore son efficacité tout en réduisant son impact sur le climat et l’environnement.

Dans ce contexte, la première partie de l’article de l’ATF-Plant ETP identifie les besoins de recherche préalables à la transition de notre agriculture. Parmi les prérequis : la nécessité de s’accorder sur une définition commune de la durabilité et de mettre au point des méthodes et des indicateurs de systèmes intégrés pour évaluer à la fois la durabilité et l’impact climatique des pratiques agricoles, ce dernier ne reposant jusqu’à présent que sur d’imparfaites analyses du cycle de vie (ACV) (voir par exemple article « Biais des analyses du cycle de vie pour comparer l’impact environnemental des différents systèmes agricoles et alimentaires »). Le groupe de travail pointe également l’intérêt de créer de nouvelles dynamiques locales et des cercles vertueux au sein d’exploitations alliant élevage et cultures. Puis, il met cette stratégie en lien avec le plan Protéines européen et invite à intégrer les attentes de la société, et notamment le besoin d’information du consommateur, au cœur des réflexions.

 Vers une agriculture circulaire alliant élevage et cultures

La partie suivante développe les avantages d’une agriculture circulaire s’appuyant sur un lien renforcé entre les secteurs de l’élevage et des cultures avec, d’un côté, les avantages relatifs à une utilisation plus durable des terres et, de l’autre, ceux contribuant à améliorer l’autosuffisance en protéines dans les systèmes alimentaires. Par exemple, diversifier les rotations culturales en combinant céréales et légumineuses permet à la fois d’augmenter l’autonomie alimentaire des animaux, d’améliorer la productivité des cultures, de limiter l’usage de produits phytosanitaires et de faciliter l’usage de fumier.

Enfin, dans la dernière partie de l’article, l’ATF-Plant ETP identifie et précise les besoins de recherche en matière de nouvelles pratiques agricoles, de sélection d’espèces, de variétés et de races nouvelles, ainsi que de solutions techniques innovantes. Parmi ces dernières, on peut citer les besoins d’amélioration de l’ACV par exemple. Le groupe pointe ainsi que la recherche devra s’orienter vers quatre axes afin de développer 1) des méthodes d’ACV adaptées à l’évaluation des systèmes en tenant compte des différentes interactions, 2) des méthodes d’ACV prenant plus précisément en compte les processus biologiques, 3) des méthodes d’ACV capables de tenir compte des spécificités locales, telles que les types de sols et les facteurs climatiques, ainsi que 4) des instruments offrant une base de référence significative permettant de mesurer les progrès effectués.

 Quelles autres attentes en termes de recherche et d’innovations ?

Le même type d’innovations attendues sont listées pour :

  • soutenir les systèmes agricoles circulaires,
  • développer des bioraffineries pour accroître l’autosuffisance européenne en protéines et en azote,
  • améliorer génétiquement des cultures agricoles pour qu’elles aient un impact environnemental réduit, soient mieux adaptées à l’alimentation animale ou contribuent davantage à la séquestration du carbone,
  • mettre en œuvre des améliorations génétiques et des stratégies d’alimentation innovantes pour les animaux d’élevage, en mettant l’accent sur une meilleure utilisation des ressources,
  • améliorer la gouvernance et le rôle des parties prenantes pour promouvoir les changements s’inscrivant dans la durée.

Dans ce contexte, le groupe de travail ATF-Plant ETP a abouti à des propositions de projets multi-acteurs – à mener sur le court, moyen et long termes – impliquant des chercheurs mais aussi les parties prenantes couvrant l’ensemble du système alimentaire : agriculteurs, filières agricoles, industries de transformation et de production, détaillants, consommateurs, décideurs politiques et ONG.

 Un webinaire accessible en replay

Afin d’avancer sur ces orientations, l’ATF-Plant ETP a organisé le 4 novembre 2020 un webinaire axé sur les moyens de retrouver des synergies entre agriculture et élevage. Les recommandations listées dans leur précédente publication y sont détaillées et illustrées. Il y est ainsi expliqué, par exemple, les avantages de la mise en place de méthodes de bioraffinage pour l’extraction des protéines de fourrage et d’oléagineux ; puis comment le bioraffinage des fumiers permet, par une approche en cascade, d’obtenir des ingrédients de haute valeur ajoutée (minéraux, énergie) pour l’approvisionnement des sols.

In fine, les échanges ainsi que la conclusion de ce webinaire par Roberto Berutti, chargé de l’Agriculture à la Commission européenne, ont pointé l’importance de garder à l’esprit la notion de culture alimentaire, notamment lorsqu’il s’agit de vouloir imposer des changements de comportement, tels que réduire la consommation de viande rouge. A ce sujet, Roberto Berutti a souligné l’intérêt porté par la Commission européenne à la transition vers des pratiques agriculturales plus durables, tout en préservant l’élevage. Il estime en effet que l’élevage est particulièrement important non seulement pour les systèmes alimentaires, mais aussi sur les plans économiques, sociaux et écologiques, et malheureusement trop souvent pointé du doigt pour ses seuls effets négatifs. En ce sens, l’approche synergique proposée par l’ATF et Plant-ETP est donc particulièrement pertinente pour que l’agriculture retrouve un fonctionnement circulaire vertueux pour des bénéfices à tous les niveaux de nos écosystèmes.

Source : Animal Task Force.

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