Des arbres sur pieds pour nourrir les vaches
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Faire brouter des arbres sur pieds aux vaches, une forme de pâturage inédite développée à l’Inra dans le cadre d’un système d’élevage de vaches laitières basé sur l’herbe, les fourrages…et les feuilles d’arbre, mais transférable à tout type de bovin.
Associer l’élevage aux cultures dans les territoires de plaine permet de bénéficier de la complémentarité des deux activités : une partie des cultures permet de nourrir les animaux, qui en retour participent à la fertilisation des sols (1). Pour favoriser ces formes vertueuses de polyculture-élevage, l’Inra de Lusignan expérimente un système bovin laitier conçu pour économiser les intrants (eau, énergie fossile) et résister aux aléas climatiques. Ce système est basé sur le pâturage de ressources diversifiées … Y compris les arbres, grâce à une forme innovante d’agroforesterie : des arbres « têtards » pâturables sur pieds.
Des vaches et des têtards
Dans l’Unité expérimentale Fourrages, Environnement, Ruminants de l’Inra à Lusignan, se met en place un mode de pâturage encore jamais testé pour les 72 vaches de l’exploitation : les vaches pourront bientôt brouter des feuilles à leur hauteur sur des arbres taillés de manière très particulière et appelés têtards. Les arbres têtards, emblématique du bocage, existent depuis des millénaires. En taillant leurs jeunes branches tous les ans au ras du tronc, les paysans constituaient des fagots qu’ils donnaient à brouter aux animaux à terre ou qui servaient de bois de chauffe, les grosses branches pouvant également fournir du bois de charpente. Mais à Lusignan, c’est la première fois que ces arbres seront utilisés sur pied comme ressources alimentaires pour les vaches en période estivale où l’herbe vient à manquer.
« Nous avons planté les arbres en 2014, rapporte Sandra Novak, responsable de l’expérimentation, et, en février 2019, nous avons réalisé la première coupe en têtard, en présence de Dominique Mansion, le spécialiste français des trognes. Sa présence était très rassurante, car c’est une taille drastique, on ne laisse pratiquement que le tronc ! Nous attendrons 2021 pour laisser les vaches pâturer ces arbres. »
Les têtards
Une exploitation autonome et agroécologique
Toute expérimentale qu’elle soit, l’exploitation vit de la vente du lait et des céréales qu’elle produit. Le principe qui la sous-tend est de produire sur place un maximum de fourrages pour nourrir les vaches sans recourir à l’achat de compléments. Pour cela, une expérimentation système (2) sur 20 ans a été élaborée en utilisant les atouts de l’agroécologie, notamment la diversification des fourrages et l’agroforesterie. Trois rotations fournissent les ressources fourragères en toute saison. Une zone pâturée située près de l’étable comporte des prairies et des parcelles en millet-trèfle et betterave pour compléter le pâturage en été et en hiver respectivement. Un peu plus loin de l’étable, la deuxième zone pâturée est composée aussi de prairies, avec des parcelles en sorgho et méteil qui peuvent être pâturées ou récoltées, selon les conditions climatiques de l’année et les besoins en fourrages conservés. La troisième zone, non pâturée, en rotation prairie-cultures (blé, maïs, sorgho, protéagineux), produit des stocks de fourrages, de la paille et du grain vendu en coopérative.
A chaque zone est associé un type d’arbres différent : arbres en têtards et vignes dans la zone pâturée pour fournir une prairie aérienne en été ; arbres de « haut jet » (3) utiles pour leurs bénéfices dans la captation du carbone, la fertilité des sols, la présence de faune auxiliaire, la production d’ombre. « Dans la zone intermédiaire, moins fréquemment pâturée, nous avons fait des essais encore plus innovants, complète Sandra, avec un mélange d’arbres « multifonctions » : haut jet, taillis et têtards, qui servent aussi de supports pour des lianes : vignes, houblon ou kiwi. »
Un système qui fonctionne et des questions en suspens
Installé en 2013, le système est économe en pesticides, en engrais azotés et en eau (l’herbe broutée par les animaux contient 80 % d’eau). Il fournit aussi des milieux favorables à la biodiversité. L’usage des arbres en tant que fourrage s’appuie sur des travaux antérieurs (4) mais il reste encore beaucoup d’inconnues. « Nous ignorons encore si le couple « vache-têtard » va fonctionner, conclut Sandra. Les arbres vont-t-ils survivre au pâturage de leurs feuilles ? Quelles sont les préférences alimentaires des vaches et leur capacité d’ingestion ? Encore des inconnues pour nous, mais en tant que chercheurs, nous nous devons de prendre des risques pour explorer des pistes d’innovation. »
Références
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