Des ateliers participatifs pour améliorer l’ACV des systèmes d’élevage (Article de synthèse)
Vingt et un experts en ACV (Analyse de Cycle de Vie) et/ou en productions animales se sont réunis lors de 29 ateliers pour améliorer l’évaluation environnementale des systèmes d’élevage. En effet, si l’ACV est considérée incontournable pour évaluer les impacts et pressions sur l’environnement de la production animale, il est aussi de plus en plus reconnu que cette méthode manque de précision pour rendre compte de critères essentiels à la durabilité des systèmes agricoles et alimentaires. C’est le cas de la contribution de ces systèmes à la production de protéines de qualité pour l’alimentation humaine, à une bioéconomie circulaire durable et à l’agroécologie. L’objectif de ce travail collaboratif innovant, publié en 2023 dans Cleaner Production Letters, est d’identifier un ensemble d’indicateurs consensuels, robustes et précis pour élargir l’approche actuelle.
Contribution au changement climatique, utilisation de terres pour la production d’alimentation animale, risques pour la santé : l’augmentation de la demande mondiale en produits animaux suscite des inquiétudes et ses impacts sont fréquemment décrits par la littérature scientifique. Cependant, l’élevage joue un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle en fournissant, non seulement, plusieurs nutriments clés pour l’alimentation humaine, mais aussi de la biomasse et des fertilisants, d’où une contribution agroécologique, tout en participant à la vitalité des territoires ruraux. Or, cette autre face de la médaille est actuellement mal évaluée, ce qui polarise les débats et biaise les orientations en matière de politiques publiques. Pour tendre vers une approche plus systémique et harmonisée, 21 experts issus du monde académique et du monde de l’élevage ont adopté une méthode participative : la méthode DELPHI (voir encadré). Relativement innovante dans le monde scientifique, cette méthode permet de mieux intégrer la diversité des systèmes de production et les interactions entre les différentes composantes des systèmes agroalimentaires. Au total, 29 ateliers ont été organisés, ainsi que deux enquêtes anonymes pour harmoniser les critères d’évaluation.
Une méthode participative
Le travail a suivi 3 étapes. D’abord, les thèmes de recherche sur l’élevage et la durabilité ont été recensés et priorisés. Cinq thèmes de recherche ont ainsi été choisis pour leur place prépondérante dans le domaine public et politique : concurrences et interactions entre productions animales et végétales, biodiversité, bien-être des animaux, nutrition et émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, ont été explorés les critères habituels d’évaluation des systèmes d’élevage au travers des cadres méthodologiques. Puis, les participants ont été invités à identifier les critères correspondant à ces thèmes dans les cadres méthodologiques existants (PEFCR[1], lignes directrices de la FAO) et à en proposer d’autres en complément.
Les principales améliorations identifiées sont :
– l’intégration de la circularité dans l’ACV en comptabilisant tous les flux de sortie, y compris les sous-produits et le fumier et la prise en compte de l’utilisation de produits non comestibles, de terres marginales ou d’autres coproduits dans l’alimentation animale,
– une approche plus précise et plus globale de la biodiversité (par exemple prise en compte de l’effet paysage ou des pratiques de pâturage au-delà de la richesse et de la diversité des espèces classiquement regardée en ACV),
– l’intégration de la fonction d’apport de nutriments qui ne se trouvent que dans les produits animaux ;
– une prise en compte des flux de carbone et de protoxyde d’azote plus spécifique (y compris les stockages d’azote et de carbone) en fonction de la nature des sols et de la façon dont ils sont travaillés.
Les ateliers ont aussi permis de définir des critères spécifiques pour le bien-être des animaux. Bien que les aspects sociaux aient été retenus comme une question pertinente en ce qui concerne la méthodologie de l’ACV des systèmes d’élevage, il a été décidé d’exclure cet aspect de la présente étude, car il sera étudié dans le cadre d’une tâche distincte au sein du même programme de travail : le projet PATHWAYS (Pathways for transitions to sustainability in livestock husbandry and food systems).
La méthode DELPHI
La méthode Delphi, méthode systématique et développée initialement aux États-Unis, vise à organiser la consultation d’experts sur un sujet précis. Le principe est que des analyses itératives réalisées par un groupe structuré d’experts sont généralement plus fiables que celles faites par des groupes non structurés ou des individus.
Référence : Goglio P, et al. Defining common criteria for harmonizing life cycle assessments of livestock systems. Cleaner Production Letters, June 2023, Vol 4:100035.
[1] PEFCR : Product environmental footprint category rules, cadre commun par catégorie de produits proposé par la Commission Européenne.
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