Faut-il réduire notre consommation de viande ? L’INRA livre des données pour comprendre

La viande : une consommation très inégale selon les régions du monde, à la source de protéines de haute qualité nutritionnelle dans le cadre d’apports nutritionnels à bien équilibrer. L’élevage a des impacts mais rend aussi des services pour l’environnement et les territoires, le bien-être animal est un enjeu majeur.

Consommation de viande, poisson et produits animaux

En 2017, la consommation mondiale de viande était estimée à 322 millions de tonnes, avec une répartition très inégale entre les grandes régions du monde : près de 47 % consommés en Asie (dont 27 % en Chine pour seulement 2 % en Inde), 19 % en Europe (UE et Russie), 13 % en Amérique du Nord et 15 % en Amérique du Sud, pour moins de 6 % en Afrique (OCDE-FAO, 2017). À l’échelle mondiale, la consommation de viande progresse régulièrement, principalement sous l’effet des pays en développement, la FAO estimant que la demande devrait augmenter de 200 millions de tonnes entre 2010 et 2050.
En France, la consommation moyenne de produits carnés (viande de boucherie, charcuteries, plats préparés…) est estimée à environ 900 g (dont 320 g de viande de boucherie) par semaine et par habitant et celle des produits halieutiques (poissons et produits dérivés) à 650 g. La consommation de produits laitiers est estimée à 360 g/j par habitant, incluant 170 ml de lait et yaourts nature. Évidemment, cette moyenne est une donnée statistique qui ne traduit pas la grande disparité de consommation entre les non consommateurs (régime végétalien) et les gros consommateurs. Le Credoc (2013) rapporte que 37 % des Français consomment moins de 245 g de viande par semaine alors que 28 % d’entre eux en mangent plus de 500 g/semaine.
La consommation de viande bovine et ovine diminue de façon constante en France et en Europe depuis les années 1980 ; en revanche, celle des produits halieutiques a augmenté. Enfin, si elle diminue dans toutes les catégories sociales, la consommation de viande reste plus forte chez les ouvriers que chez les cadres, indiquant, selon le Credoc (2018), qu’elle reste un marqueur social fort, mais qui a évolué : « aujourd’hui, cela fait bien de ne pas manger trop de viande, certains cadres s’en vantent, alors que c’était l’inverse il y a trente ans » (Pierre Combris, cité par Le Monde 6 septembre 2018).
Selon les données de Kantar Worldpanel (2017), un tiers des foyers français comportent au moins un individu flexitarien, c’est-à-dire qui a réduit fortement sa consommation de produits animaux notamment de viande, de charcuteries et de produits halieutiques, alors que le « veganisme », qui proscrit tout produit animal, est confidentiel (moins de 0,5 %).
La consommation de produits animaux est profondément ancrée dans le patrimoine culturel et gastronomique des Français et de nombreuses populations dans le monde. En Europe, les produits de l’élevage disposent du plus grand nombre de signes distinctifs de qualité. Ce patrimoine se reflète aussi par la diversité des spécialités culinaires, des races d’animaux, toutes attachées à un territoire et à une histoire.

Les apports nutritionnels de la viande et des produits animaux

Les produits animaux (viandes, produits carnés transformés, poissons et produits halieutiques, produits laitiers, œufs) sont sources de protéines de très haute qualité, facilement assimilables et fournissant tous les acides aminés indispensables à toutes les catégories de populations, sans limitation. Également, les produits animaux sont des sources importantes et facilement assimilables de fer (viande rouge), de zinc, de calcium (produits laitiers), de vitamines A, D et B12, et d’acides gras omega-3 (EPA et DHA) ; ils contribuent de façon majeure aux apports en ces micronutriments essentiels.
En France, les produits animaux fournissent près des 2/3 de la consommation individuelle de protéines des Français ; celle-ci est en moyenne à 90 g/j, soit 60 g/j de protéines animales. L’Organisation Mondiale de la Santé (2011) a établi les apports nutritionnels conseillés en protéines à 50 à 70 g/j pour une population d’adultes en bonne santé. La moitié de ces protéines devrait être d’origine végétale et la moitié d’origine animale (environ 25-30 g/j de protéines soit environ 2 fois moins de produits animaux que la consommation moyenne actuelle en France).
Il est cependant à noter que plusieurs catégories de populations ont des besoins nutritionnels spécifiques. C’est le cas, par exemple, des personnes âgées qui ont des besoins en protéines rapidement assimilables plus élevés pour limiter la fonte musculaire et maintenir leur capital osseux. Par ailleurs, les personnes âgées, les enfants, les femmes en âge de procréer… ont des besoins, plus importants que la population générale, en micronutriments dont plusieurs sont apportés par les produits animaux.

Consommation de viande et santé

L’excès de consommation de produits animaux entraîne un déséquilibre nutritionnel du régime alimentaire qui, s’il est chronique, peut contribuer à favoriser la survenue de surpoids et de maladies telles qu’hypertension, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2… Également, le Centre international de recherche sur le cancer a publié en 2015 qu’une forte consommation de viande rouge et de viandes transformées (charcuterie, salaison, conserves, produits à base de viande) était associée à un risque accru de cancer colorectal.
À l’opposé, l’insuffisance de consommation de produits animaux peut également présenter des risques pour la santé si les apports nutritionnels en acides aminés et en micronutriments (notamment fer, zinc, calcium, vitamines A, D et B12) ne sont pas compensés. Une attention particulière doit être notamment portée aux catégories de populations ayant des besoins spécifiques (enfants, personnes âgées, femmes, sportifs…) ou n’ayant pas accès à une alimentation suffisamment variée et équilibrée (la faim cachée).
En France, les repères 2017 du Haut Conseil de la Santé publique recommandent de limiter la consommation de viande rouge (bœuf, veau, mouton, porc) à 500 g/semaine maximum et de privilégier la consommation de volaille, de limiter la consommation de charcuterie à 150 g/semaine, de consommer du poisson deux fois par semaine (en variant les espèces et lieux d’approvisionnement) et de manger des légumes secs au moins deux fois par semaine (lentilles, haricots secs, pois chiches…).

Les impacts et les services de l’élevage sur l’environnement et pour les territoires

L’élevage produit des gaz à effet de serre (GES, notamment CH4, N2O, CO2) qui contribuent au changement climatique. Au niveau mondial, les émissions directes de GES provenant de l’élevage ont été estimées à 7 % de la production totale liée aux activités humaines (environ la moitié des émissions dues au secteur du transport ; GIEC 2017). En comptabilisant plus complètement l’ensemble des émissions directes et indirectes des GES sur l’ensemble du système d’élevage (aliments, engrais, transport, énergie…), la part de l’élevage est estimée à 16 % en France (le même calcul appliqué au système de transport aboutit à 27 %). Il est donc nécessaire de réduire les émissions de GES provenant de l’élevage, ce qui est possible en améliorant l’alimentation des animaux, en diminuant les engrais azotés par l’accroissement de la culture (locale) des légumineuses et en utilisant les effluents comme fertilisants. Également, la méthanisation permet de réduire significativement les émissions d’une exploitation, elle nécessite toutefois des investissements financiers importants. Enfin, il est à noter que les prairies, haies et bosquets sont des puits de carbone qui compensent en partie les émissions de GES des élevages extensifs.
Il a été estimé que 15 000 l d’eau étaient nécessaires pour produire 1 kg de viande. Ce chiffre représente à hauteur de 95 % l’eau de pluie captée par les sols et par les plantes, qui n’est pas directement utilisable pour d’autres usages. Néanmoins, l’élevage utilise de l’eau douce pour abreuver les animaux, pour nettoyer les bâtiments et selon les zones géographiques pour l’irrigation des cultures destinées à les nourrir. La consommation de cette eau, dite « bleue », varie fortement selon les types d’élevage. Elle est en moyenne de 190 l/kg de viande de porc et varie de 20 à 500 l/kg de viande de bœuf.
La mauvaise gestion des effluents d’élevage contribue à la pollution des eaux et des sols, notamment par les nitrates mais également par des pathogènes et des résidus médicamenteux (eg. antibiotiques), entraînant l’eutrophisation des lacs et des zones côtières maritimes, l’acidification des sols et de l’eau et compromettant la qualité de l’eau potable.
Au niveau mondial, les terres agricoles représentent 38 % des surfaces émergées non gelées. Ces terres agricoles sont utilisées à 75 % pour l’alimentation du bétail. Toutefois, la majorité (66 %) de ces surfaces agricoles sont impropres à la culture (zones de montagne, steppes, savanes par exemple). Ces grands territoires présentent de nombreux avantages environnementaux : ce sont des réservoirs de biodiversité, ils protègent les sols de l’érosion, filtrent l’eau et stockent du carbone. L’élevage utilise aussi 30 % des surfaces cultivées pour la production d’aliments pour les animaux et cette proportion pourrait s’accroître avec le développement de l’élevage dans plusieurs régions du monde pour faire face à l’augmentation de la demande. Cet accroissement pourrait entraîner une augmentation de la déforestation pour la création de nouvelles terres cultivables, comme on le voit déjà avec l’explosion de la demande de tourteau de soja en Chine.
L’élevage a également un rôle social et économique dans les territoires. Dans l’Union Européenne, les productions animales contribuent pour environ 45 % à la production agricole finale en valeur. En termes d’emploi, on estime à 4 millions les actifs travaillant dans les élevages européens. En France, on dénombre environ 880 000 personnes ayant un emploi dépendant de l’élevage (soit 3,2 % de la population active). L’élevage joue également un rôle culturel et patrimonial important, en Europe du Sud notamment. Ce patrimoine tient aux pratiques pastorales, aux savoir-faire et paysages culturels qui y sont liés. Il est aussi reconnu à travers de nombreux signes officiels de qualité. Enfin, il peut être le support d’activités de loisirs, de tourisme et d’animations. Aujourd’hui, de nouveaux modes d’élevage sont prônés dans les pays développés, de nouveaux modes de production émergent, qui peuvent s’intégrer localement à des formes d’économie circulaire et jouer ainsi un rôle important dans la vitalité de certains territoires.

Le bien-être animal en élevage

L’amélioration du bien-être animal est un enjeu majeur qui doit être au cœur de la conception des systèmes d’élevage du XXIe siècle. Le bien-être animal est défini comme « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ».
Depuis les années 1970, le développement de la demande sociétale pour le respect des animaux tant en élevage que lors de leurs transports et de leur mise à mort, l’accroissement de la connaissance scientifique sur la sensibilité des animaux et l’élaboration d’une réglementation européenne en matière de bien-être animal ont conduit à réduire les contraintes exercées sur les animaux. Aujourd’hui, il s’agit de franchir une nouvelle étape pour aboutir à des systèmes d’élevage qui non seulement limitent au maximum les sources de stress et de douleurs pour les animaux, mais favorisent aussi leurs expériences positives.
Le bien-être animal est l’affaire des éleveurs, qui bénéficient directement d’une relation satisfaisante avec les animaux, et des professionnels de la transformation. Elle l’est aussi des consommateurs qui peuvent influencer les conditions d’élevage par leur consentement à payer un peu plus cher les produits animaux qui demandent aux éleveurs de nouveaux investissements. Une demande en faveur d’un étiquetage « bien-être animal » se dessine pour la viande et le lait, à l’instar de celui qui existe déjà pour les œufs en Europe.

Source : INRA