Impact de la politique de réduction des antimicrobiens en France

Dans une étude publiée en novembre 2018, cinq chercheurs français éclairent les facteurs et les freins déterminant l’utilisation d’antibiogrammes par les vétérinaires, cette méthode permettant de tester la sensibilité de germes aux antimicrobiens. Ils évaluent de plus l’impact d’un décret de 2016 (n°2016-317), rendant obligatoire l’utilisation d’un antibiogramme avant la prescription de certains antibiotiques (céphalosporines et fluoroquinolones de troisième et quatrième générations). 66 vétérinaires exerçant dans les secteurs de l’élevage bovin, équin, porcin et de volaille, ont été sélectionnés aléatoirement et interrogés, au cours d’entretiens semi-directifs, sur leurs pratiques et leur perception du décret.
Quel impact du décret de 2016 rendant obligatoire l’utilisation d’un antibiogramme ?
46 facteurs, regroupés en 11 catégories, ont été identifiés comme déterminants pour l’utilisation d’un antibiogramme. Par exemple, la relation de confiance entre le vétérinaire et l’éleveur influe positivement sur leur utilisation. Au contraire, le temps nécessaire pour obtenir les résultats (en lien avec la distance au laboratoire) est un exemple de facteur négatif.
L’enquête révèle également que le décret n’a pas entraîné de hausse majeure du recours aux antibiogrammes : leur utilisation était déjà répandue dans les secteurs porcins et volailles, alors que leur coût favorise la prescription d’antimicrobiens non concernés par le texte, dans le cas des bovins et des équins. Par ailleurs, le décret a été bien accueilli par les vétérinaires. Les répondants estiment qu’il a permis d’homogénéiser leurs pratiques et qu’il est un bon support pour promouvoir des mesures préventives et montrer l’importance de la lutte contre l’antibiorésistance. Parmi les rares critiques soulevées, les vétérinaires soulignent le problème de la non-harmonisation des législations, au niveau européen, pouvant entraîner une distorsion de concurrence entre la France et les États réglementant différemment l’utilisation des antimicrobiens.
Plusieurs facteurs de réussite sont donc à retenir de cette enquête, afin de favoriser l’acceptation et l’efficacité des politiques publiques. Un temps suffisant a par exemple été accordé aux vétérinaires, avant la mise en œuvre du décret, pour se préparer au changement, et notamment pour relayer l’information et les enjeux de l’antibiorésistance auprès des éleveurs.
Source : Veille CEP.
Référence : Bourély et al. Why do veterinarians ask for antimicrobial susceptibility testing? A qualitative study exploring determinants and evaluating the impact of antibiotic reduction policy. Preventive Veterinary Medecine, 2018 Nov;159:123-34.
À voir aussi
-
Santé animale11 avril 2025
AMR-Env : un réseau français pour surveiller l’antibiorésistance environnementale
Le réseau émergent AMR-Env, initié dans le cadre du méta-réseau PROMISE, regroupe des unités de recherche françaises. Objectif : démontrer la faisabilité d'un système de surveillance de l'antibiorésistance dans l'environnement. Dans une interview, Thibault Stalder, microbiologiste au sein de l'UMR RESINFIT, partage les objectifs et les défis de ce réseau dédié à la lutte contre l'antibiorésistance… -
Santé animale11 avril 2025
Pénurie de vétérinaires en zones rurales : un défi pour les élevages bovins
Cet article du blog de veille du Centre d'études et de prospective (CEP) traite de l'accès des éleveurs bovins aux services vétérinaires en France. Il s'appuie sur une étude publiée en décembre 2024 dans la Review of Agricultural, Food and Environmental Studies, qui analyse les facteurs déterminant cet accès. L'étude constate que l'accès aux vétérinaires est… -
Santé animale11 avril 2025
Une approche territoriale pour des écosystèmes résilients
Les approches « Une seule santé » visent à promouvoir la santé humaine, animale et végétale au sein d'écosystèmes sains. Cependant, leur mise en œuvre reste complexe. C’est pourquoi des chercheurs du Cirad proposent une voie d’opérationnalisation, via le concept de « santé des socio-écosystèmes » prenant en compte la santé des territoires. Ce concept…