INRAE et SOLAGRO se penchent sur les impacts environnementaux de la méthanisation (Article d’analyse)
INRAE Transfert* vient de publier une étude évaluant les impacts environnementaux de la méthanisation agricole. Les auteurs ont comparé les impacts de la méthanisation sur un territoire de polyculture d’une part et un territoire d’élevage d’autre part avec des situations identiques sans méthanisation. L’étude conclut à des impacts environnementaux majoritairement bénéfiques ou neutres en cas de méthanisation. Complétée par le retour d’expérience du programme MéthaLAE mené par Solagro, l’étude détaille également les conditions nécessaires et bonnes pratiques d’une production de biogaz vertueuse.
Dans un contexte de raréfaction des énergies fossiles et de recherche d’indépendance énergétique, la méthanisation – qui permet de produire du biogaz tout en recyclant certains déchets organiques, notamment agricoles, – apparaît comme l’un des leviers majeurs pour atteindre un mix de gaz 100 % renouvelable d’ici 2050. Pour autant, son développement pose un ensemble de questions : quel impact sur le foncier agricole ? Quelle compétition avec l’alimentation humaine ou animale ? Quelles conséquences sur les revenus des agriculteurs ? Quels risques de nuisances liées aux odeurs ou au transport des matières alimentant le méthaniseur ? Quels risques de pollution locale ? Ou encore quel bilan énergétique et environnemental ? C’est sur ce dernier point que porte l’étude d’INRAE Transfert : l’introduction d’une unité de méthanisation dans un contexte de production agricole donné (territoire de cultures ou d’élevage) conduit-elle à améliorer, ou à dégrader, les indicateurs environnementaux (changement climatique mais aussi eutrophisation, émissions de particules fines, épuisement des ressources fossiles et minérales…) ?
Remplacer le gaz fossile mais pas seulement
Aujourd’hui, le gaz fossile représente 20 % de l’énergie nationale consommée pour différents usages (résidentiel, tertiaire, mobilité) et 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France du fait de sa combustion émettrice de CO2. Dans les scénarios prospectifs, le biométhane pourrait progressivement remplacer le gaz naturel, afin d’atteindre 100 % de gaz renouvelable dans les réseaux à l’horizon 2050. Ainsi, en France, 309 unités de méthanisation agricoles sont en fonctionnement (sur 365 unités au total) et 1 149 projets sont en construction, tous secteurs confondus (industries agroalimentaires, collectivités…). Pour développer la filière méthanisation, il faut mobiliser des ressources agricoles, telles que les résidus de cultures, les effluents d’élevage et les Cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE). Ces substrats pourraient assurer 50 à 75 % de la production de gaz renouvelable. Au-delà de la production d’énergie renouvelable, deux autres fonctions des méthaniseurs sont étudiées et concourent à leur bilan environnemental : la gestion des effluents et la fertilisation des sols.
Territoire avec méthaniseur : ce qui change
Les auteurs ont étudié deux scénarios-types de méthanisation qu’ils ont comparés à des situations identiques sans méthaniseur : l’un sur un territoire de cultures et l’un sur un territoire d’élevage. Le premier alimente le méthaniseur par une proportion importante de CIVE (cultures intermédiaires à vocation énergétique) et le deuxième par une proportion importante d’effluents d’élevage. Pour réaliser le bilan environnemental, ils se sont appuyés sur l’Analyse du cycle de vie (ACV) et ont pu ainsi évaluer ce que la présence du méthaniseur (et des ressources qui l’alimentent) changeait pour l’environnement au-delà de la production de biogaz : impact des CIVE qui remplacent les CIPAN (Cultures intermédiaires pièges à nitrates) du scénario de référence, évolution de la gestion des effluents qui ne sont plus stockés puis épandus mais passent par le méthaniseur pour devenir méthane et digestat, impact du digestat sur la fertilisation ou encore impact du transport de ces substrats vers le méthaniseur (l’hypothèse faite ici étant qu’ils se trouvent dans un rayon de 10 km).
Un impact globalement positif
Seize indicateurs ont été étudiés. 73 % d’entre eux sont améliorés ou non impactés par la méthanisation. Pour les deux scénarios, la méthanisation améliore fortement l’impact des exploitations agricoles sur le changement climatique (-70 %) et sur l’épuisement des ressources énergétiques (- 65 %). En effet, le biogaz évite l’extraction de gaz issu de ressources fossiles et sa combustion produit du « CO2 biogénique » issu de la photosynthèse, dont l’impact sur le climat est neutre, contrairement au CO2 fossile issu de la combustion du gaz dit naturel. Par ailleurs, les CIVE contribuent à réduire l’impact sur le changement climatique en stockant davantage de carbone et réduisent le lessivage d’azote. L’apport quasi immédiat des déjections au méthaniseur et leur stockage très court à l’air libre (< 8 jours contre 180 jours en scénario de référence) permet de réduire les émissions gazeuses dans l’atmosphère : moins de GES, protoxyde d’azote (N2O) et méthane (CH4), et moindre émission d’ammoniac (NH3), gaz ayant un impact sur la qualité de l’air (particules fines) et l’eutrophisation. Enfin, le digestat obtenu permet de produire un engrais azoté organique efficace (car déjà minéralisé) et local qui se substitue aux engrais de synthèse. Un indicateur se dégrade en revanche : la production d’électricité supplémentaire nécessaire au fonctionnement des méthaniseurs a un’impact sur l’épuisement des ressources métalliques et minérales (ressources utilisées dans les centrales nucléaires par exemple)
Des bonnes pratiques à assurer pour conserver le bénéfice
Afin que l’impact de la méthanisation reste favorable sur le changement climatique et les particules fines, il est indispensable d’éviter tout contact entre le digestat et l’air par un lieu de stockage puis un épandage du digestat par enfouissement. Sans l’application de ces bonnes pratiques, l’impact de la méthanisation sur le taux de particules fines pourrait augmenter jusqu’à 2,5 fois par rapport à la situation de référence. Par ailleurs, l’introduction de 20 % de légumineuses en mélange dans la CIVE permet de fixer de l’azote atmosphérique et donc de limiter le recours aux engrais de synthèse pour cette culture. Enfin, au niveau du méthaniseur, il s’agit de limiter les fuites de méthane et de trouver des moyens d’économiser l’énergie utilisée.
Sur ces questions pratiques, les travaux d’INRAE Transfert ont été étayés par le programme Méthalae mené par Solagro (voir encadré).
Autres dimensions abordées par Méthalae
Sur le panel d’exploitations enquêtées, la méthanisation n’a pas engendré d’augmentation de la surface agricole utile (SAU), supérieure à la moyenne nationale, ni de cheptel, ni de temps passé en bâtiments pour les animaux. La tendance est à l’augmentation de la couverture des sols et à la diversification des rotations (notamment avec l’ajout de CIVE). Le bilan azote est globalement amélioré avec une meilleure utilisation des ressources organiques locales et un moindre recours à une fertilisation azotée et potassique minérale. L’impact socio-économique est très variable selon le type de lien entre l’exploitation agricole, la méthanisation et le territoire. Une majorité des agriculteurs trouve un regain d’intérêt dans le métier d’agriculteur : plus de technicité, plus de cohérence globale du système, meilleure intégration territoriale de l’exploitation agricole. Les auteurs précisent que si les résultats sont globalement positifs, ils doivent être confirmés à plus grande échelle.
Source : Solagro
* INRAE Transfert : Filiale de l’Institut National de Recherche pour l’agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), INRAE Transfert est une société d’ingénierie de projets et de transferts technologiques pour l’innovation en alimentation, en agriculture et en environnement.
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