Le CESE livre ses recommandations pour un Pacte agricole ambitieux (Article de synthèse)

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté en juin 2023 l’avis intitulé « Les recommandations du CESE pour un contrat ambitieux entre l’agriculture et la société française ». Les défis auxquels doit faire face l’agriculture sont clairs : produire une alimentation saine et durable, attirer de nouveaux actifs et mieux communiquer sur les métiers de l’agriculture, afin de réconcilier agriculture et société. Ainsi, l’objectif de ce Pacte est de parvenir à une vision commune de ce que devrait être l’agriculture française, son organisation et ses productions à l’horizon 2040, tout en identifiant les évolutions qu’elle sera amenée à réaliser d’ici là. Bien que l’élevage y soit abordé de manière succincte, la polyculture élevage est évoquée comme un idéal à réinstaller sur nos territoires, de même que des mesures liées à la préservation des haies et autres infrastructures agroécologiques pour lesquelles l’élevage d’herbivores représente un véritable atout.

L’agriculture française est confrontée à de multiples défis : climatiques et environnementaux, économiques et alimentaires, ainsi que sociodémographiques. Pour y faire face, le Gouvernement a décidé d’élaborer un projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles en s’appuyant sur un vaste processus de concertation, tant au niveau national que territorial. Objectif : élaborer un Pacte entre la nation et l’agriculture. C’est dans ce contexte que la Première ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE), afin de livrer au gouvernement un avis éclairé et des orientations pour un Pacte agricole ambitieux. Ce dernier est destiné à répondre aux différents enjeux qui touchent l’agriculture française.

L’avis du CESE est organisé en deux parties : une première qui présente les éléments de contexte et d’analyse, et une seconde qui détaille les préconisations du conseil. Des préconisations regroupées autour de trois grands axes :

–    produire au plus près des consommateurs et rendre accessible à tous, une alimentation saine et durable,

–    donner un souffle nouveau à l’agriculture française pour y attirer de nouveaux actifs et maintenir un tissu d’exploitations agricoles sur l’ensemble du territoire,

–    resserrer les liens entre l’agriculture et la société, grâce à une meilleure compréhension réciproque.

Des politiques évolutives pour répondre aux attentes sociétales

Dans sa présentation du contexte, le CESE met en exergue l’évolution des demandes sociétales notamment en matière de préservation de l’environnement, de respect du bien-être animal et de qualité des produits. Ses demandes sont prises en compte, à la fois au niveau européen, avec la récente réforme de la PAC et la stratégie « De la ferme à la table » inscrite dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe depuis 2020, et au niveau national, en particulier depuis 2018 avec la loi Egalim et son évolution Egalim 2 en 2021. Cette dernière cherche en effet à améliorer les mécanismes de négociations commerciales en rendant notamment la contractualisation obligatoire dans un grand nombre de filières, dont l’élevage, en faveur des producteurs, et à renforcer l’information des consommateurs quant à l’origine des denrées utilisées notamment dans la restauration hors domicile.

Les enjeux environnementaux

Malgré tout, bien que de mieux en mieux appréhendés, les enjeux environnementaux en lien avec l’agriculture peinent à prendre une place prioritaire dans l’évolution des systèmes de production.  Protection des ressources, préservation de la biodiversité, limitation des impacts du changement climatique, sobriété énergétique, valorisation de la biomasse, réduction de la dépendance aux intrants, préservation des terres agricoles, tous ces enjeux ont une réponse commune : l’agroécologie, qui vise à utiliser au maximum la nature comme facteur de production. Or, cette approche, bien que plébiscitée dans de nombreux rapports (voir par exemple notre article « Les recommandations du CGAAER pour une gestion durable des haies agricoles »), a encore du mal à s’imposer face à une spécialisation régionale de l’agriculture longtemps encouragée et qui a entrainé une disparition progressive des fermes de polyculture-élevage, aujourd’hui réapprouvées. C’est donc, pour partie, un retour en arrière qui doit s’opérer, de manière progressive mais néanmoins rapide du fait de l’urgence des défis à relever.

Produire et rendre accessible à tous, une alimentation saine et durable

Concernant le premier axe des orientations, qui consiste à reprendre en main notre alimentation pour produire et rendre accessible à tous, une alimentation saine et durable, le CESE livre six préconisations :

  • transformer la PAC en Politique agricole et alimentaire commune,
  • rendre opposables les clauses sociales et environnementales dans tous les accords de commerce négociés par l’Union européenne (UE),
  • assurer une concurrence équitable au sein de l’UE grâce à des standards sociaux et environnementaux élevés,
  • élaborer, en concertation avec tous les acteurs, un plan national d’accompagnement à 10 ans visant à mettre en œuvre la future Stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat (SNANC) et en renforçant la cohérence des politiques publiques,
  • développer la contractualisation tripartite pour parvenir à une répartition équilibrée de la valeur,
  • systématiser les Projets alimentaires territoriaux (PAT) au niveau intercommunal.

Au regard de l’importance des enjeux considérés et de la temporalité dans laquelle s’inscrit l’agriculture, le CESE salut la mise en œuvre de nombreux programmes et appels à projets nationaux lancés au cours des dernières années afin d’encourager, entre autres, la réduction des intrants, l’amélioration du bien-être animal ou encore la valorisation des effluents et des co-produits. Un ensemble d’objectifs qui seront bientôt regroupés dans le cadre de la Stratégie nationale alimentation, nutrition, climat (SNANC) qui, selon le CESE, « devra être largement concertée pour susciter l’adhésion de tous les acteurs, sur la base d’un diagnostic partagé ».

Resserrer les liens entre l’agriculture et la société

Le CESE formule ensuite quatre préconisations en vue d’attirer de nouveaux actifs et de maintenir un tissu d’exploitations agricoles sur l’ensemble du territoire, puis trois en vue de conclure un pacte réciproque autour des enjeux de l’alimentation et plus largement de l’agriculture, pour resserrer ses liens avec la société. Ses préconisations sur ce dernier axe sont de :

  • renforcer la transparence et la traçabilité sur toute la chaîne alimentaire et apporter des réponses aux nouvelles attentes sociétales,
  • sensibiliser sur les différents enjeux liés à l’alimentation et améliorer la connaissance de l’agriculture,
  • utiliser le levier de la restauration hors domicile, collective ou commerciale, pour appliquer la loi Egalim et proposer des produits locaux et biologiques.

Pour le CESE, il convient, tout d’abord, de proposer aux consommateurs des informations accessibles leur fournissant des informations officielles, strictement contrôlées, puis de veiller à ce que les produits bénéficiant de labels certifiés par les pouvoirs publics répondent effectivement aux attentes de la société. A ce propos, il rappelle que les cahiers des charges des produits sous signe de qualité caractérisent leurs modes respectifs de production et d’élaboration pouvant engendrer des différenciations en termes de goût, de qualité nutritionnelle, de moindres impacts environnementaux et climatiques, ou encore de respect du bien-être animal. Les aspects sociaux, comme la valorisation de la qualité de vie au travail, en revanche, y sont pour l’heure négligés et gagneraient, selon le CESE, à y être intégrés.

Enfin, concernant sa dernière préconisation, le CESE précise que la disposition concernant la mention de l’origine nationale des viandes bovines servies en restauration hors domicile, bien que requise depuis décembre 2002 dans tous les types d’établissements, n’est que partiellement respectée. « Il conviendra de veiller à son application », souligne donc les auteurs.

 Source : CESE

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