Le HCSP livre son avis sur la révision des repères alimentaires pour les enfants (Article d’analyse)
Dans un avis paru le 14 octobre 2020, le Haut Conseil de la Santé Publique propose des nouvelles recommandations alimentaires pour les enfants de 0 à 17 ans, adaptées aux spécificités de l’enfance et de l’adolescence, deux périodes clés, à la fois en termes de croissance et d’apprentissage alimentaire.
Trois ans après son avis sur la révision des repères alimentaires pour les adultes, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) vient de publier celui sur les repères destinés aux enfants et adolescents. L’objectif du document ? Servir de socle à Santé publique France pour élaborer sa communication destinée au grand public et formuler des messages sanitaires actualisés.
Pour établir son avis, le HCSP a constitué un groupe de travail dédié composé d’une dizaine d’experts en nutrition et en santé publique. Celui-ci s’est notamment appuyé sur les travaux préparatoires ad hoc de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), dont l’avis de 2019 sur les repères alimentaires destinés aux populations spécifiques dont celle des enfants (voir article d’analyse : Populations aux besoins spécifiques : les nouveaux repères alimentaires de l’Anses). Les auditions de quatre experts (trois pédiatres et une chercheuse spécialiste du comportement alimentaire des enfants) ont également appuyé la réflexion. Pour chacune des tranches d’âge considérées, les 0-36 mois d’une part et les 3-17 ans d’autre part, l’avis présente des recommandations pour chacun des groupes alimentaires assorties de recommandations transversales de portée plus générale.
0-36 mois : apprendre à manger
Au cours de ses trois premières années, l’enfant va passer d’une alimentation exclusivement lactée (lait maternel ou formule infantile) à une alimentation diversifiée se rapprochant de plus en plus de celle de la table familiale. L’avis du HCSP rappelle ainsi les grands jalons à poser sur ce parcours pour en favoriser la réussite.
Variété et texture : les grands enjeux de la diversification à partir de 4-6 mois
Après avoir rappelé que la diversification alimentaire ne devrait jamais commencer avant 4 mois, ni après 6 mois, l’avis résume ainsi l’un des principaux enjeux de cette phase : « Introduire tôt une variété d’aliments », afin d’en faciliter l’acceptation. À cette période, produits laitiers, fruits, légumes, pommes de terre, produits céréaliers, légumes secs, viandes, poissons, œufs cuits et matières grasses doivent donc être introduits. Ils peuvent l’être « de façon concomitante (pas d’ordre ou de rythme particulier recommandé) en proposant quotidiennement des aliments différents ». La période comprise entre 5 et 18 mois est notamment considérée comme une fenêtre particulièrement favorable pour faire découvrir à l’enfant un maximum d’aliments ; cela pourrait permettre de limiter la néophobie alimentaire ultérieure qui apparaît entre 2 et 8 ans.
L’autre enjeu majeur de la diversification réside dans l’introduction progressive des textures complexes à partir de 8-10 mois, en adaptant petit à petit la taille et la dureté des morceaux aux capacités de mastication et de déglutition de l’enfant.
Un peu de tout… ou presque
L’avis présente ensuite les repères spécifiques aux différents groupes d’aliments. Les produits laitiers peuvent remplacer peu à peu une partie du lait consommé. Les fruits et légumes, produits céréaliers, légumineuses seront introduits sous différentes formes, toujours en tenant compte des capacités de l’enfant et aussi de sa tolérance digestive. Volaille, poisson, œuf, viande doivent être proposés en alternance, selon cet ordre de priorité. Afin d’éviter des apports en protéines trop élevés lors de la petite enfance, le HCSP préconise des grammages modérés : 10 g/j de 6 à 12 mois, 20 g/j de 1 à 2 ans et 30 g/j de 2 à 3 ans. À noter, ces produits doivent être consommés très cuits pour limiter les risques microbiologiques.
Quant à la charcuterie, le HCSP estime qu’« il n’y a pas de justification nutritionnelle » à en consommer pour les jeunes enfants. De même pour les produits sucrés, qui devraient tout simplement être évités dans cette tranche d’âge, puis limités par la suite, ainsi que les produits riches en sel.
À l’inverse, l’avis insiste sur l’importance des matières grasses à cette période de développement neuro-cérébral intense, les jeunes enfants ayant des besoins nutritionnels en lipides plus élevés que les adultes. Il est ainsi recommandé d’ajouter de l’huile de colza, de noix, d’olive aux aliments des bébés et de réserver le beurre à un usage cru ou tartinable et en quantité limitée.
Couvrir les besoins en fer entre 1 et 3 ans : quelle stratégie adopter ?
Si les bénéfices des laits de croissance sur le statut en fer des enfants entre 1 et 3 ans sont reconnus, leur coût élevé peut constituer un obstacle dans certains cas. Le Haut Conseil de la Santé Publique estime ainsi qu’ils peuvent être alternés avec du lait de vache entier. Toutefois, pour favoriser la couverture des besoins en fer, il est alors recommandé de mettre l’accent sur d’autres groupes alimentaires riches en ce minéral tels que la viande ou les légumineuses.
Remarque : À noter, la biodisponibilité du fer contenu dans les légumineuses (fer non héminique) est inférieure à celle du fer contenu dans la viande (fer héminique). La consommation concomitante d’aliments sources de vitamine C (tels que les agrumes) permet d’améliorer l’absorption du fer non héminique.
3-17 ans : acquérir les habitudes alimentaires préconisées à l’âge adulte
Les recommandations alimentaires destinées aux 3-17 ans répondent à un double objectif : d’une part, satisfaire les besoins nutritionnels globalement élevés du fait d’une croissance continue, mais aussi hautement variables selon l’âge, le sexe, le stade de croissance et l’activité physique ; d’autre part, soutenir la mise en place d’habitudes alimentaires qui seront favorables à la santé à l’âge adulte (prévention de l’obésité et des maladies chroniques).
Des repères proches de ceux des adultes…
Au moins 5 fruits et légumes par jour ; une petite poignée quotidienne de fruits à coques ; des légumineuses au moins deux fois par semaine ; des produits céréaliers complets de préférence… Les repères alimentaires destinés aux enfants et aux adolescents de 3 à 17 ans se révèlent relativement proches de ceux des adultes. On peut toutefois noter que le repère concernant les produits laitiers est un peu plus élevé – 3 portions contre 2 recommandées chez l’adulte. Le repère concernant les viandes, poissons, œufs préconise quant à lui « du poisson 2 fois par semaine et de la volaille et des œufs en alternance sur les autres jours », sans qu’il soit nécessaire d’en consommer à chaque repas. Les recommandations relatives à la viande hors volaille sont similaires à celles des adultes : à consommer en quantité limitée, c’est-à-dire pas plus de 500 g*/semaine pour les adolescents.
… avec des tailles de portion adaptées
Si les repères déclinés pour les enfants et les adolescents se rapprochent de ceux des adultes, il n’est pourtant pas question d’en consommer les mêmes quantités. La taille des portions fait ainsi la différence : « En moyenne, pour un enfant entre 3 et 6 ans environ, la taille de portion recommandée correspond à la moitié de la taille de portion d’un adulte ; entre 7 et 11 ans environ, cette taille est d’1/3 inférieure à la taille de portion d’un adulte ; au début de l’adolescence, la taille de portion rejoint celle de l’adulte, puis la dépasse pendant la période de croissance importante, entre 15 et 17 ans environ ». Le HCSP précise que si ces valeurs permettent de donner une idée de quantités approximatives à proposer aux enfants selon leur âge, elles doivent être adaptées par les parents en fonction des besoins de leur enfant. Et de rappeler qu’à tous les âges, une courbe de croissance harmonieuse constitue le meilleur indicateur de l’adéquation entre les quantités consommées et les besoins de l’enfant.
Adapter la taille de la portion à la ration énergétique : les limites de l’exercice…
Dans l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique, des tailles de portion sont proposées (à titre indicatif) pour les enfants et les adolescents, « au prorata des consommations des adultes ». Ce principe de calcul mérite néanmoins quelques nuances afin de parvenir à couvrir les besoins en plusieurs nutriments essentiels à la croissance et critiques pour certaines sous-populations.
En effet, comme le soulignait l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans son expertise de 2019, chez les enfants et adolescents, un régime alimentaire établi à partir des repères de l’adulte ramenés à la ration énergétique de chaque tranche d’âge est susceptible de couvrir les besoins nutritionnels, à quelques exceptions près : la vitamine D, le fer chez les 7-10 ans et le calcium chez les filles. Ainsi, pour assurer la couverture des besoins en fer, l’Anses préconisait des tailles de portions proches de celles consommées par les adultes pour les aliments du groupe « Viandes Poissons Œufs ». De même pour le calcium et les produits laitiers.
Quel que soit l’âge, l’importance de l’environnement alimentaire
Enfin, plusieurs messages de fond portant sur le cadre alimentaire et le contexte de consommation offert aux enfants viennent ponctuer l’avis du HCSP.
Ainsi, les préparations maison (versus les produits tout prêts du commerce) sont vivement encouragées : chez les moins de 3 ans, elles offrent la possibilité de présenter à l’enfant une plus grande variété de textures et de flaveurs et de partager avec lui les habitudes familiales autour de l’alimentation ; quel que soit l’âge, le « fait maison » permet en outre de contrôler les ingrédients utilisés et donc les quantités de matières grasses, de sucres et de sel ajoutés.
L’importance d’une alimentation construite autour de repas réguliers est par ailleurs soulignée. Il est ainsi recommandé de consommer trois repas principaux complétés par un goûter dans l’après-midi, qui « peut être utile pour prévenir les comportements de grignotage notamment en fin d’après-midi » et « peut être l’occasion de proposer des aliments de bonne qualité nutritionnelle » (fruit, produit laitier, produits céréaliers complets, fruits à coque…).
Les repas constituent en outre un cadre propice au développement d’habitudes alimentaires vertueuses et sont l’occasion de moments conviviaux, de plaisirs gustatifs et de discussions. La participation des enfants à la préparation des repas est encouragée pour faciliter l’acceptation de certains aliments. Au contraire, la présence d’écrans ou de jouets détournant l’attention de l’enfant est déconseillée.
Source : Révision des repères alimentaires pour les enfants de 0-36 mois et 3-17 ans
* Comme le précise le WCRF (World Cancer Research Fund) dans ses rapports, ces 500 g renvoient à de la viande cuite, ce qui représente 700 à 750 g de viande crue environ.
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