Loi EGalim dans les cantines : les retours mitigés des Maires de France
L’Association des Maires de France a publié en décembre 2020 une enquête sur les évolutions de la restauration scolaire depuis la loi EGalim du 30 octobre 2018. Si de nombreuses actions sont déjà engagées par les communes en faveur de repas plus sains, locaux et respectueux de l’environnement, elles s’accompagnent d’un sentiment de complexification grandissante et d’une demande d’accompagnement de la part de l’Etat. En particulier, les trois quarts des collectivités répondantes ne souhaitent pas que le menu végétarien hebdomadaire, mesure phare de la loi EGalim actuellement en cours d’expérimentation dans les cantines, devienne une obligation légale, et plaident en faveur de simples recommandations.
La restauration scolaire constitue un service public facultatif, mais les élus y accordent une grande importance. Ils sont conscients des enjeux que ce service représente, que ce soit en termes de réussite scolaire, de vie en société, ou d’accès à une alimentation saine et équilibrée.
La loi EGalim du 30 octobre 2018 a fixé de nouveaux objectifs en faveur de repas plus sains, plus locaux et plus respectueux de l’environnement, notamment via l’approvisionnement en produits de qualité et durables (labels, mentions valorisantes, bio…). Deux ans après la promulgation de cette loi, l’Association des Maires de France et des présidents d’intercommunalités a souhaité dresser un bilan décrivant la situation actuelle de la restauration scolaire et ses évolutions récentes, et rendant compte des capacités et des difficultés des communes et des intercommunalités à faire face à ces nouveaux enjeux. Menée du 25 septembre au 16 octobre 2020 auprès de plus de 20 000 communes, l’enquête permet, avec ses 14,5 % de répondants, de dégager des tendances selon les tailles de communes.
L’expérimentation du menu végétarien hebdomadaire non concluante : ¾ des collectivités ne souhaitent pas sa pérennisation après le 31 octobre 2021
Parmi ses mesures phares, la loi EGalim a instauré l’obligation pour les restaurants scolaires de proposer, au moins une fois par semaine, un menu dit « végétarien », c’est à dire « composé de protéines végétales et pouvant aussi comporter des œufs ou des produits laitiers ». Cette mesure est menée à titre expérimental pendant 2 ans du 1er novembre 2019 au 1er novembre 2021.
Jusqu’au 1er novembre 2019, la majorité des collectivités ne proposait aucune offre de menu végétarien, ceci étant tout particulièrement vérifié pour les communes de moins de 2 000 habitants (59 %), et dans une moindre mesure, les communes de 2 000 à 9 999 habitants (48 %).
Un an après, l’expérimentation a été instituée par 89 % des collectivités qui ont répondu à l’enquête. Pourtant, les ¾ des collectivités (et notamment les communes de moins de 2 000 habitants et des intercommunalités) ne souhaitent pas voir cette expérimentation se pérenniser le 31 octobre 2021 par une obligation légale, et préfèreraient des recommandations à la voie législative. L’étude souligne en effet que 53 % des collectivités ayant expérimenté le menu végétarien hebdomadaire ont été confrontées à des difficultés : composition et diversité des repas (mention par 40 % des collectivités), augmentation du gaspillage alimentaire (37 %), manque de formation du personnel (19 %), coûts supplémentaires (17 %), réorganisation de la préparation des repas (13 %), et réticence du personnel (11 %).
Quant au plan pluriannuel de diversification des protéines, une autre mesure de la loi EGALIM demandant aux restaurants qui servent plus de 200 couverts par jour d’inclure des plats à base de protéines végétales dans leur offre de repas, plus de la moitié des collectivités se disent « non informées de cette mesure » ; seules 20 % d’entre elles l’ont mise en œuvre, et 7 % sont en passe de le faire.
« Des produits de qualité et durables » : encore des efforts nécessaires pour atteindre les seuils de la loi EGalim
Autre objectif ambitieux de la loi EGalim fixé aux établissements de restauration collective, dont les services de restauration scolaire : proposer, au 1er janvier 2022, au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques.
Dans ce contexte, de nombreux efforts ont été réalisés par les collectivités en faveur de repas plus sains, locaux et respectueux de l’environnement. Ainsi, un tiers des collectivités inclut déjà une proportion égale ou supérieure à 20 % de produits bio, et 43 % renseignent 25 à 50 % de produits durables dans la composition de leurs repas. Toutefois, encore 47?% des collectivités n’utiliseraient qu’une proportion inférieure à 20 % de produits bio ou en conversion, et près d’une collectivité sur 5 ignorerait à ce stade la part des produits bio dans les repas servis.
Seules 36 % des collectivités se disent confiantes dans le respect possible des deux seuils évoqués ci-dessus. Toutefois, cette proportion s’élève avec la taille des communes, 73 % des communes de plus de 30 000 habitants se déclarant confiantes en la matière, ainsi que 50 % des communes de 2 000 à 29 999 habitants.
Les freins constatés et les solutions mises en œuvre
Les freins évoqués pour l’atteinte de ces objectifs sont essentiellement le coût (pour 38 % des collectivités ; voir encadré), l’insuffisance de l’offre bio à l’échelle locale (27 %), le manque d’information sur les offres locales (17 %), l’absence de plateforme d’approvisionnement (17 %), les contraintes logistiques (16 %), les contraintes des marchés publics (11 %) et la difficulté des producteurs locaux à répondre aux cahiers des charges (14 %). Les soucis rencontrés diffèrent encore une fois selon la taille des communes, les villes de plus de 30 000 habitants dénonçant d’abord l’insuffisance de produits bio à l’échelle locale, devant le coût et les contraintes liées aux marchés publics, alors que les communes de moins de 10 000 habitants sont davantage affectées par les contraintes logistiques et le manque d’information.
D’autres difficultés sont remontées à travers cette enquête, et notamment la compréhension de la notion de produits de qualité et durables, la difficulté d’approvisionnement du fait des quantités commandées ou encore le manque de labellisation des produits locaux.
Pour dépasser ces différents freins, les principales mesures adoptées par les collectivités consistaient en la formation du personnel (pour 23 % d’entre elles), la constitution de groupements d’achats (20 %), la mise en place d’un plan alimentaire territorial (12 %), mais aussi la création de réseaux inter-communaux, l’installation d’un potager ou la prise de contact avec la Chambre d’Agriculture.
Pallier les surcoûts liés aux produits de qualité et durables
L’approvisionnement en produits de qualité et durables entraînerait, selon l’enquête, un surcoût pour les ¾ des collectivités, allant de 10 à 20 % pour plus de la moitié d’entre elles. Pour palier celui-ci, certaines collectivités ont mis en place des actions spécifiques :
- une réorientation de la politique d’achat vers des produits locaux (mise en place par 22 % des collectivités) ;
- le service d’un menu ou plat végétarien (16 %) – la réduction des coûts associée pouvant aussi être réinvestie dans la montée en gamme des produits servis (y compris des viandes et des poissons) ;
- la formation du personnel pour l’aider dans le choix d’aliments de qualité à prix raisonnable (11 %)
- et des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire (29 %).
Lutte contre le gaspillage alimentaire et interdiction des plastiques
Quant au gaspillage alimentaire, 22 % des collectivités ont déjà établi un diagnostic de lutte contre celui-ci, et 35 % en ont un en cours d’élaboration. Les contraintes logistiques freineraient 43 % des collectivités dans la mise en place de cette démarche. La convention de don alimentaire est en effet limitée aux associations agréées servant plus de 3 000 repas par jour, des associations qui n’existent pas toujours à proximité de chaque commune. 72 % des collectivités relèvent en outre l’absence de demande de ces associations agréées.
Sur le front des emballages, l’enquête révèle que 54 % des collectivités ont déjà totalement banni les contenants alimentaires en plastique, pour lesquels la loi EGalim prévoit une interdiction progressive ; 16 % signalent un retrait en cours et 6 % un retrait à l’étude.
La « complexification grandissante » de la restauration
Enfin, si cette enquête permet de dresser un bilan des actions déjà engagées par de nombreuses communes en faveur de repas plus sains, locaux et respectueux de l’environnement, elle met aussi en exergue l’accroissement des normes et pressions auxquelles sont soumises les collectivités. Celles-ci dénoncent notamment « la complexification grandissante de la gestion de la restauration collective », qui tient à la loi EGalim mais aussi à un renforcement des exigences des familles. La crise sanitaire a de plus impacté modérément 58 % des collectivités, et 23 % durement.
Les élus demandent donc un accompagnement accru de la part de l’Etat pour répondre aux « objectifs ambitieux » de la loi EGalim. Celui-ci pourrait passer, outre le financement, par l’aide à la structuration des filières locales de produits de qualité et durables, l’assouplissement du code de la commande publique, le développement d’une offre de formation adaptée pour les personnels ou encore la lutte contre le gaspillage alimentaire. Et de plaider en faveur d’une adaptation de la mise en œuvre des mesures de la loi EGalim aux spécificités des territoires et les moyens et ressources disponibles localement.
Source : Panorama de la restauration scolaire après la loi EGalim.
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