Mise en débat des recommandations nutritionnelles visant à réduire la consommation de viande rouge (Article de synthèse)
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Un article paru dans la revue Critical Reviews in Food Science and Nutrition s’interroge sur la validité de certaines recommandations alimentaires préconisant de limiter la consommation de viande rouge. Le point sur les arguments des deux auteurs.
Début 2019, la Commission EAT-Lancet publiait un rapport recommandant une transition vers une alimentation végétalisée et contenant peu de produits animaux (dont la viande rouge). Des préconisations retrouvées également dans de récentes directives alimentaires. Frederic Leroy, chercheur au département des sciences de la bioingénierie à Bruxelles (Belgique), et Nathan Cofnas, doctorant en philosophie de la biologie à l’université d’Oxford (Royaume-Uni), dénoncent un procès injustifié fait à la viande rouge et considèrent que sa restriction sévère pourrait avoir de sérieux impacts sur la santé.
VIANDE ET SANTE : UN PARADIGME CHANGEANT ?
En tant que source de vitamines B, dont la B12, de fer, de zinc ou encore d’acides gras, il est admis que la viande a largement contribué à l’évolution de l’espèce humaine. Pourtant, ce même aliment est aujourd’hui accusé d’être à l’origine de certains problèmes sanitaires. Pour les deux auteurs de cet article, les arguments de ceux qui remettent en cause la consommation de viande ne seraient pas justifiés.
DES ARGUMENTS FONDES SUR DES ETUDES D’OBSERVATION
Les études épidémiologiques sont des enquêtes d’observation. Elles ne permettent pas d’affirmer une relation causale. Or, la plupart des arguments soutenant la réduction de la consommation de viande rouge s’appuient sur des études d’observation. Par ailleurs, les associations rapportées sont souvent plus importantes dans les études nord-américaines que dans celles européennes ou asiatiques. Et les résultats des uns contredisent souvent ceux des autres. Enfin, les risques relatifs rapportés sont généralement faibles (RR<1,2 pour l’association entre consommation de viande et cancer colorectal). Pour les auteurs, tout ceci dénote l’existence d’un biais, davantage lié aux modes vie des sujets qu’à leur consommation de viande rouge.
DES ETUDES MECANISTIQUES QUI NE CONFIRMENT PAS LES DONNEES D’OBSERVATION
Quant aux essais d’intervention et aux études mécanistiques, dont l’objectif est de rechercher un lien de causalité, elles n’ont pas confirmé statistiquement de lien entre la consommation de viande rouge et des marqueurs biologiques d’inflammation ou de stress oxydatif d’une part, ou des pathologies chroniques d’autre part.
DES BENEFICES A NE PAS OUBLIER
Au-delà des nutriments bien connus qu’elle apporte, la viande contient également des composés bioactifs (taurine, créatine, CLA, carnitine, choline…) dont l’intérêt dans le développement des fonctions cognitives chez l’enfant et l’adolescent n’est plus à démontrer. Et les auteurs de préciser que, chez les sujets âgés, une consommation suffisante de viande peut aussi prévenir la dénutrition et la sarcopénie.
EXCLURE LA VIANDE EXPOSERAIT A DES DEFICITS NUTRITIONNELS
Ils rappellent ainsi que des régimes excluant la viande peuvent conduire à des déficiences nutritionnelles s’ils ne sont pas bien planifiés, voire complétés par des suppléments. À ce titre, plusieurs études ont rapporté des cas de malnutrition chez des sujets végétaliens avec des conséquences plus défavorables chez les enfants.
En conclusion, pour les deux auteurs de cet article, tout ceci ne justifie pas que l’on considère les études actuellement disponibles comme des preuves robustes pour l’élaboration de recommandations limitant ou excluant la consommation de viande.
Référence : Leroy F, Cofnas N. Should dietary guidelines recommend low red meat intake? Crit Rev Food Sci Nutr. 2019 Sep 5:1-10. doi: 10.1080/10408398.2019.1657063
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