Modéliser la production de méthane par les ruminants : travaux de l’Inrae (Article de synthèse)
Les chercheurs de l’Inrae ont mis au point une méthode pour quantifier les émissions de méthane par les ruminants dans différents systèmes de production, ce qui permettra de proposer des leviers d’action efficaces pour les réduire. Un enjeu stratégique pour limiter l’impact de l’élevage sur le réchauffement climatique.
Les ruminants représentent une source importante de méthane (gaz à effet de serre (GES) impliqué dans le réchauffement climatique), via leurs fermentations entériques et leurs déjections. Les chercheurs de l’Inrae et d’AgroParisTech, en collaboration avec le Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution de l’air), ont élaboré une nouvelle méthode de quantification de ces émissions, basée sur l’exploitation de bases de données provenant de différentes études internationales.
Inventorier les émissions de méthane : une exigence des Nations Unies
La convention des Nations-Unies pour le changement climatique exige la réalisation d’inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre, réalisés selon les recommandations du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Les émissions de méthane liées à l’élevage doivent donc être évaluées précisément et de manière standardisée afin d’être prises en compte dans ces inventaires.
Ces évaluations reposent sur le développement de modèles mathématiques basés sur des équations complexes, intégrant diverses données d’élevage. Le GIEC propose une approche de 1 à 3 degrés, de l’évaluation la plus basique qui tient compte uniquement de la taille du cheptel (degré 1), à la plus complexe et précise (degré 3), qui intègre une multitude de paramètres : catégories d’animaux, systèmes de production et d’alimentation, gestion des fumiers…
Les travaux de l’Inrae
En 2018, les chercheurs ont d’abord proposé une méthode de calcul des émissions de méthane dans les systèmes français d’élevage méditerranéen de petits ruminants. Pour cela les scientifiques ont utilisé différentes équations tenant compte de l’usage de différentes ressources pastorales dans l’alimentation, des niveaux de performances zootechniques (gain moyen quotidien notamment), et de la conduite d’élevage. Résultat : les émissions en système pastoral extensif sont légèrement plus faibles que dans un système sédentaire, mais un âge d’abattage tardif des agneaux contribue à l’augmentation des émissions de méthane.
En 2019, l’Inrae a développé une nouvelle méthode de calcul répondant aux critères du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ; voir encadré ci-dessus), qui tient compte de tous les facteurs modulant les émissions de méthane des ruminants, afin d’atteindre un niveau de précision maximal (évaluation complexe de degré 3 selon les critères du GIEC).
La principale amélioration apportée réside dans l’utilisation d’une équation basée sur la matière organique ingérée (MOI), pour prédire les émissions de méthane entérique (à partir de la MOI digestible) et issu des déjections (à partir de la MOI non digestible). Cette équation tient compte des effets des interactions digestives (proportion de concentrés dans la ration, niveau d’ingestion*) sur la conversion de la MOI en méthane.
Cette méthode qui permet également d’évaluer les quantités d’effluents d’élevage produits à l’échelle du cheptel français (fumiers, lisiers) a été utilisée dans les inventaires nationaux les plus récents.
Ces inventaires, permettant de quantifier et de proposer des leviers d’actions pour réduire les GES, sont destinés aux experts internationaux (GIEC), aux acteurs gouvernementaux (ministères…), aux acteurs des filières agricoles et aux agriculteurs (par exemple pour l’étiquetage environnemental et la labellisation de produits).
Cette méthode est désormais intégrée à l’outil CAP2ER, le diagnostic d’évaluation environnementale en élevage déployé par la filière.
Source : Inrae. Modélisation de la production de méthane émis par les ruminants.
*Niveau d’ingestion = quantité de matière sèche ingérée par 100 kg de poids vif
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