Pas d’association entre les consommations de viandes rouges, transformées ou non, et le cancer de la prostate
Selon leur analyse poolée de 15 étude épidémiologiques prospectives de cohorte, les auteurs concluent qu’il n’y a pas d’association entre le risque (au sens épidémiologique de risque relatif*) de cancers de la prostate et les consommations de viandes rouges, ou de produits de la mer. La consommation de volailles est, elle, associée à une légère réduction du risque relatif tandis que celle d’œufs augmente modestement ce risque. Contexte : Les données concernant la consommation de viande associée au risque de cancer de la prostate sont peu concluantes. Cette maladie est multifactorielle et les facteurs de risque des cancers mortels sont différents de ceux non mortels et ceux affectant la différenciation du cancer sont différents de ceux affectant sa progression. Objectif : Les associations entre ces facteurs alimentaires et le cancer de la prostate ont été examinées dans un consortium de 15 études de cohorte. Les associations entre la consommation de viande et celle d’œufs et le risque de cancer ont été étudiées. Méthodologie : Au cours du suivi (9 à 22 ans), 52 683 cas de cancer de la prostate ont été identifiés dont 4 924 cas avancés chez 842 149 hommes. Des questionnaires alimentaires ont permis de connaitre les consommations des participants. Des modèles de risques proportionnels (Cox) ont été utilisés pour calculer les risques relatifs spécifiques de l’étude (RR) et ont été regroupés en utilisant des modèles à effets aléatoires. Résultats : Les résultats ne soutiennent pas l’idée d’un effet de la consommation totale de viandes rouges, de celles non transformées, ni de celles transformées sur le risque de cancer de la prostate, à l’exception d’une association positive mais modeste dans les tumeurs à un stade avancé au moment du diagnostic. Pour les fruits de mer, aucun effet notable n’a été observé indépendamment du stade du cancer. La consommation de volaille était inversement associée au risque de cancers avancés et fatals (Comparant ≥45 vs < 5 g / jour : Stade avancé RR= 0.83 (0.70-0.99); Fatal RR= 0,69 (0,59-0,82), p=0.16). Les participants qui consommaient ≥25 vs < 5 g / j d’œufs (1 œuf = 50g) présentaient une augmentation de 14% du risque de cancers avancés et fatals (Stade avancé RR=1.14 (1.1-1.28), p=0,01 ; fatal RR=1,14 (1,00-1,30), p=0,01). Lorsque les associations étaient analysées uniquement pour la zone géographique Amérique du Nord, des associations positives étaient notées entre les cancers avancés et ceux fatals et la viande rouge non transformée et la consommation d’œufs. Des associations inverses étaient observées avec la consommation de volaille. Néanmoins, aucune différence n’était significative en dehors de celle avec les œufs. Les données ne variaient pas selon l’âge au moment du diagnostic, la durée de suivi ou l’IMC des sujets. Conclusion : les auteurs concluent qu’il n’y a pas d’association entre la consommation de viandes transformées ou non et le risque de cancer de la prostate (tout type), à l’exception d’une association très modeste dans le cas des tumeurs diagnostiquées à un stade avancé. Pas d’association avec la consommation de produits de la mer. La consommation de volailles est associée à une légère réduction du risque tandis que celle d’œufs augmente modestement le risque. Source : Associations between unprocessed red and processed meat, poultry, seafood and egg intake and the risk of prostate cancer: A pooled analysis of 15 prospective cohort studies. Wu J et coll. Int J Cancer. 2015 Dec 19. doi: 10.1002/ijc.29973. * Rappel sur les notions de risque utilisées dans les études épidémiologiques : Par « augmentation du risque », une étude épidémiologique entend qu’une association positive a été établie par calculs statistiques entre les consommations élevées d’un aliment (viandes dans le cas présent) et le risque d’apparition d’une maladie (cancer de la prostate dans le cas présent). Il ne s’agit pas d’une relation démontrée de cause à effet mais d’une relation observée par traitements statistiques. Et il s’agit d’un Risque Relatif (RR), c’est à dire un risque calculé par comparaison sur une seul facteur donné : souvent il s’agit de diviser la population considérée dans l’étude en sous-groupes caractérisés par leurs niveaux de consommation de l’aliment étudié comme facteur de risque potentiel (viande rouge ou viandes transformées dans le cas présent). Sont ensuite comparés le nombre de personnes qui ont eu la maladie au sein du groupe de la population consommant le plus de viandes par rapport à celui du groupe qui en consomme le moins ou bien qui n’en consomme pas du tout. Il s’agit donc d’un calcul d’augmentation ou de diminution du pourcentage de « chance » d’avoir ou pas cette maladie entre ces groupes de population, en sachant que le risque de développer la maladie n’est pas forcément nul pour le groupe de population qui ne consommerait pas l’aliment car bien d’autres facteurs interviennent. Pour qu’un RR soit considéré comme ou « vrai » ou significatif du point de vue statistique, c’est-à-dire que l’on n’ait que 5 % de chances de se tromper en affirmant qu’il est augmenté (RR >1) ou diminué (RR <1), l’intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) qui donne la fourchette de la probabilité ne doit pas contenir le chiffre 1 (1 = probabilité égale d’avoir ou de ne pas avoir de maladie). La valeur de la probabilité de se tromper (p) en général acceptée est 0.05.
Article 47/59 du dossier "Viande, alimentation et cancer"
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