Prévention des maladies cardiovasculaires : faut-il continuer à limiter les graisses saturées et la viande rouge ? (Article de synthèse)

Un éditorial de la revue The American Journal of Medecine revient sur les raisons qui ont conduit de nombreux pays à recommander la limitation de la consommation de graisses saturées et de viande rouge. Des raisons devenues obsolètes selon l’auteur, Claude Lardinois, professeur émérite spécialisé en endocrinologie (Université de médecine du Nevada, Etats-Unis).
On ne se souciait guère des effets de l’alimentation sur la santé avant la parution d’un article déterminant en 1956 : l’étude des 7 pays d’Ancel Keys, qui montrait que l’augmentation de la consommation de graisses saturées alimentaires était corrélée à l’augmentation de la cholestérolémie, elle-même associée à une augmentation de la mortalité coronarienne. Bien que l’étude présente des biais méthodologiques (notamment la sélection de 7 pays sur 22 étudiés pour confirmer l’hypothèse de départ), elle servit de base à l’élaboration des recommandations alimentaires dans de nombreux pays dans les années 1970, dont les Dietary Guidelines for Americans (DGA). Près de 50 ans plus tard, peu de choses ont évolué : « En 1980, le Comité consultatif des Dietary Guidelines for Americans (DGAC) a approuvé ces recommandations, et ses conclusions de 1980 ont été reprises dans le rapport 2010 du DGAC, malgré les préoccupations soulevées par les premières recommandations alimentaires qui n’avaient pas encore été prises en compte de manière adéquate », rapporte Claude Lardinois, professeur émérite à l’Université de médecine du Nevada (Etats-Unis), dans un éditorial publié au printemps 2020 dans The American Journal of Medecine.
Graisses saturées et risque cardiovasculaire, une thèse devenue obsolète
Pourtant, de nombreux éléments remettent en cause les thèses scientifiques de l’époque. Parmi ceux-ci, une méta-analyse d’études épidémiologiques prospectives (Siri-Tarino et al., 2010), qui conclut qu’il n’existe pas de preuves significatives permettant d’affirmer que les graisses saturées alimentaires sont associées à un risque accru de maladies cardiovasculaires ; ainsi qu’une revue systématique d’études observationnelles et d’essais contrôlés randomisés (ECR) couplée à une méta-analyse (Chowdhury et al., 2014), qui montre que les personnes ayant une consommation plus importante de graisses saturées ne présentent pas de risques accrus de maladies cardiaques ou de mort subite. Au contraire, « des preuves récentes indiquent que la consommation de graisses saturées peut être inversement liée au risque d’accident vasculaire cérébral », indique le Pr Lardinois.
Parallèlement, d’autres études ont permis d’éclaircir le rôle du cholestérol dans la survenue des maladies cardiovasculaires : « Chez certains individus, une augmentation du taux sanguin de cholestérol LDL total [en lien avec une consommation excessive de graisses saturées, NDLR] peut se produire, mais cette augmentation se produit principalement pour les particules les plus grosses, moins fortement associées aux maladies cardiovasculaires », poursuit l’expert, pour qui « il n’y a donc aucune preuve que les limites supérieures arbitraires actuellement imposées à l’ensemble de la population américaine puissent permettre de prévenir les maladies cardiovasculaires ou de réduire la mortalité ».
Cette opinion s’avère d’ailleurs partagée par de nombreux experts Outre-Manche. D’où leur lettre adressée au ministère de l’Agriculture américain, fin février, demandant que soient levées les limites imposées à la consommation de graisses saturées dans les prochaines DGA (voir article « Des experts demandent un arrêt de la limitation des graisses saturées aux Etats-Unis »).
La viande a sa place dans les régimes alimentaires
L’auteur se penche ensuite sur la place de la viande dans le régime et « le dogme » selon lequel il faudrait diminuer sa consommation de viande rouge pour prévenir les maladies cardiovasculaires, notamment mis en avant par l’American Heart Association.
Certes, « des études d’observation montrent qu’une consommation accrue de viande rouge et de viande transformée est associée à un risque plus élevé de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de certains cancers, relève-t-il. Cependant, les ECR évaluant l’effet de la consommation de viande rouge sur les facteurs de risque cardiovasculaire sont incohérents. » Et de citer deux publications canadiennes récentes rapportant, sur la base d’études d’observation et d’ECR, que les preuves reliant les viandes rouges et transformées aux maladies cardiovasculaires et au cancer seraient extrêmement faibles (Vernooji et al., 2019 ; Zeraatkar et al., 2019). « Comme pour le débat sur les graisses saturées, de nombreux experts nutritionnels de renom restent divisés », poursuit-il.
Ainsi, selon le Pr Lardinois, pour préserver sa santé grâce à l’alimentation, « l’accent doit être mis sur des habitudes alimentaires saines, basées sur une alimentation comprenant davantage de légumes, de fruits, de céréales complètes, de fruits de mer, de légumineuses et de produits laitiers, et comprenant moins d’en-cas, de boissons sucrées et de céréales raffinées ». Et de conclure : « La viande peut faire partie du régime alimentaire et rien ne justifie la restriction de la consommation de graisses saturées ».
Référence : Lardinois C. Time for a New Approach to Reducing Cardiovascular Disease: Is Limitation on Saturated Fat and Meat Consumption Still Justified? The American Journal of Medicine (2020).
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