Produits d’élevage : un élément clé contre la sous-nutrition dans le monde (Article d’analyse)
Dévoilé début juin 2021, le rapport de l’ONU Nutrition est venu éclairer le débat sur l’impact de l’élevage sur la santé humaine et l’environnement. Et ce en examinant la manière dont les risques et les avantages varient considérablement en fonction des modes de consommation, des périodes de la vie et des pratiques de production. De quoi réaffirmer l’intérêt des produits animaux et recentrer le débat, loin des discours excessifs.
Le 9 juin 2021 était publié le rapport intitulé Livestock-Derived Foods and Sustainable Healthy Diets (Aliments issus de l’élevage et régimes alimentaires sains et durables) de l’ONU Nutrition, une coordination inter-agences pour la nutrition au niveau mondial et à l’échelle des différents pays[1]. Objectif affiché des contributeurs[2] : instaurer un dialogue plus éclairé sur le rôle des aliments issus de l’élevage dans le monde d’aujourd’hui, en examinant les preuves scientifiques de leurs bénéfices et risques, en mettant notamment en avant leur intérêt en termes d’apports nutritionnels aux étapes critiques de la vie (petite enfance, âge scolaire, adolescence, grossesse, allaitement).
Le rôle crucial des produits de l’élevage
« Globalement, les preuves montrent que le contexte est essentiel lorsque nous considérons le rôle des aliments d’origine animale dans nos régimes alimentaires », insiste Stineke Oenema, directrice du E3 Nutrition Lab à l’université Washington de Saint-Louis et secrétaire exécutif de l’ONU Nutrition, qui a coordonné l’élaboration de ce nouveau document. Ils ont de lourdes conséquences pour la santé humaine s’ils sont absents ou déficients dans le régime alimentaire de certains groupes vulnérables, ou s’ils sont consommés en excès par d’autres. » Selon le rapport, les preuves scientifiques sont claires lorsqu’il s’agit de fournir des régimes alimentaires sains aux enfants vulnérables et aux mères enceintes ou allaitantes, qui sont ceux qui subissent les pires conséquences de la malnutrition : « Les aliments provenant du bétail offrent des avantages qu’il est très difficile, voire impossible, de reproduire uniquement avec des aliments d’origine végétale. » A ce titre, l’accès insuffisant à la viande ou aux aliments d’origine animale dans leur ensemble contribue largement aux taux élevés de malnutrition qui persistent dans de nombreuses régions d’Asie et d’Afrique.
A l’inverse, une augmentation du risque de certaines maladies chroniques peut t être liée à un excès de consommation. D’où la nécessité de politiques nutritionnelles adaptées pour éviter les surconsommations lorsqu’elles existent, ce qui est loin d’être une généralité dans les pays occidentaux. Par exemple, en France, 82 % des adultes mangent moins de viande que le seuil limite de 500 g recommandé de viande cuite hors volaille par semaine, avec une moyenne de 300 g/semaine.
Plus souvent ‘trop peu’ que ‘trop’
Selon le rapport, les statistiques mondiales qui font état d’une augmentation de la consommation de produits d’origine animale depuis plusieurs décennies doivent être relativisées : elles ne tiennent pas compte du fait que cette croissance a été largement alimentée par les pays à revenu intermédiaire dans lesquels les consommations étaient jusqu’à lors très faibles. Mais surtout, selon le rapport, il convient de remettre les déficiences et excès en parallèle : des estimations récentes (OMS, UNICEF et Banque mondiale) projetaient qu’en 2020 149 millions d’enfants de moins de 5 ans souffriraient d’un retard de croissance dû à un manque de nutriments de base, contre 39 millions d’enfants en surpoids. Et la pandémie de Covid devrait accentuer la sous-nutrition. Ainsi, le plus large problème de santé alimentaire pour certains groupes aujourd’hui reste et demeure la sous-nutrition, qui pourrait être résolue en partie par un meilleur accès aux aliments d’origine animale.
Difficile de remplacer les aliments d’origine animale
Comme le rappelle le rapport, les aliments d’origine animale sont difficiles à remplacer par des aliments d’origine végétale, car ils sont plus denses en nutriments et micronutriments (Fe, Zn, vitamine B12, etc.) et ceux-ci sont davantage biodisponibles. De quoi lutter contre la sous-alimentation qui provoque encore des retards de croissance, chez 22 % des jeunes enfants dans le monde, et des risques sanitaires à des étapes clés de la vie. Par exemple, pour éviter une carence en vitamine A (principale cause de cécité évitable chez les enfants), un enfant devrait manger au moins 12 fois plus d’aliments d’origine végétale (carottes) pour obtenir la même quantité que dans une petite portion d’œufs, de viande ou de lait. Or, l’enfant n’a pas une capacité gastrique suffisante pour ingérer de telles quantités d’aliments. Il en va de même pour des micronutriments comme la choline (autrefois appelée vitamine B4), le zinc et le fer, facilement absorbés à partir de produits animaux, et vitaux pour le développement du cerveau. De la même manière, la forte concentration de nutriments essentiels dans les aliments d’origine animale les rend très précieux à d’autres stades clés de la vie, comme l’adolescence, la grossesse ou l’allaitement.
Cancer, changement climatique : quels risques ?
Outre les avantages nutritionnels de l’élevage, le rapport examine également ses risques actuels pour les personnes (maladies métaboliques, agents pathogènes), les animaux (zoonoses, antibiorésistance) et la planète (gaz à effet de serre, eau, biodiversité). Les experts explorent également les meilleurs moyens de gérer ces risques en se concentrant simultanément sur la santé de ces trois groupes (approche « One Health »). Sachant que des solutions synergiques existent : certains systèmes d’élevage du bétail s’avèrent positifs pour la planète, en stockant du carbone dans les pâturages et en améliorant la biodiversité. Et Jimmy Smith, directeur général de l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI) de conclure : « Continuons à diversifier nos régimes alimentaires, en reconnaissant les liens entre la santé animale, humaine et environnementale. C’est ainsi que nous trouverons la voie vers des régimes alimentaires plus durables et plus sains, y compris pour les deux milliards de personnes sous-alimentées aujourd’hui qui pourraient grandement bénéficier d’un accès régulier à des quantités modestes de lait, de viande ou d’œufs. »
Source : ONU Nutrition.
[1] L’ONU Nutrition s’efforce de surmonter la segmentation, d’accroître l’harmonisation et de fournir aux gouvernements un soutien coordonné et aligné en matière de nutrition, afin d’avoir un impact plus important pour les enfants, les femmes et les populations du monde entier.
[2] Experts du Programme alimentaire mondial (PAM), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI), de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Fonds international de développement agricole.
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