Projet EAT-Lancet : une prise de distance de la part de l’OMS d’après le British Medical Journal (Article de synthèse)
D’après un article paru dans le British Medical Journal (BMJ), l’OMS pourrait prendre ses distances vis-à-vis du projet EAT-Lancet, qui recommande un régime riche en végétaux et particulièrement pauvre en produits animaux comme solution d’alimentation saine et durable à l’échelle de la planète. Après analyse des éléments disponibles, la position de l’institution reste toutefois floue.
Début 2019, la sortie du rapport EAT-Lancet, visant à proposer un consensus scientifique définissant un régime alimentaire sain et une agriculture durable, avait fait grand bruit. En effet, bien qu’élaborées par un panel international d’experts – la Commission EAT-Lancet –, les conclusions de ce rapport ne faisaient pas l’unanimité (voir article « Parution du rapport EAT-Lancet »). Parmi les points critiqués : le fait que les recommandations alimentaires qui y sont développées sont éloignées des recommandations officielles et que la couverture des besoins en vitamines et minéraux par le régime proposé risque de poser problème, notamment pour certaines populations. A ce propos, les experts de la commission EAT-Lancet reconnaissent eux-mêmes qu’un régime pauvre en aliments d’origine animale pourrait rendre nécessaire un enrichissement ou une supplémentation en micronutriments.
Quelques mois plus tard, une nouvelle controverse fait l’actualité : d’après un article paru dans le British Medical Journal (BMJ), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se désolidariserait du projet EAT-Lancet. Elle aurait en effet retiré son soutien à l’organisation d’une conférence de lancement du projet à Genève en mars dernier.
Le soutien de l’OMS au projet EAT-Lancet mis en cause ?
À l’origine de cette mise en retrait, selon le BMJ : la prise de position publique de l’ambassadeur italien aux Nations Unies, Gian Lorenzo Cornado, qui met en cause le bienfondé du soutien de l’OMS à un tel projet. Car ce dernier l’inquiète sur plusieurs aspects. Selon GL Cornado, le régime riche en produits végétaux et pauvre en produits animaux préconisé par la Commission EAT-Lancet, pourrait déstabiliser l’économie des pays à faible revenu, en faisant disparaître les activités agricoles et industrielles liées à la production de certains aliments, notamment animaux. Ce régime universel proposé pour l’ensemble de la planète manque de fondement scientifique, estime par ailleurs l’ambassadeur italien, et pourrait faire péricliter des régimes traditionnels ancestraux, véritable héritage culturel de nombreux pays. Et de souligner les insuffisances nutritionnelles du régime EAT-Lancet et les risques sanitaires associés.
Les réponses de la commission EAT-Lancet
Les deux experts présidant la Commission EAT-Lancet n’ont pas tardé à réagir à ces critiques, estimant pour leur part que le régime qu’ils proposent permettrait « d’améliorer la situation nutritionnelle de la plupart des individus de la planète », et rappelant que les productions animales comme la viande rouge verraient leur production doubler dans les pays d’Asie du Sud et resteraient stables en Afrique. Ils réfutent enfin les accusations d’une volonté de contrôle centralisé de l’alimentation au niveau mondial via la mise en place de politiques nutritionnelles hégémoniques strictes.
Que comprendre de la position de l’OMS ?
Quant à la véritable position de l’OMS vis-à-vis du projet EAT-Lancet, difficile de s’en forger une opinion. Ou d’être certain, comme l’affirme le BMJ, que les arguments de M. Cornado, de nature socio-économiques plutôt que sanitaires, l’aient modifiée d’une quelconque façon. En dépit du logo de l’institution figurant parmi les organisateurs de la conférence de Genève, un porte-parole aurait fait savoir que « l’OMS n’a jamais sponsorisé, accueilli ou organisé l’évènement », rapporte le journal The New Food Economy dans une note dévoilant des extraits de courriers échangés avec l’OMS et les membres de la Commission EAT-Lancet. Interrogé par le BMJ, l’OMS a toutefois estimé que le projet EAT-Lancet était « pertinent pour faire avancer les travaux de l’OMS sur les régimes favorables à la santé ».
Source : British Medical Journal.
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