Prospective Agrimonde-Terra : utilisation des terres et sécurité alimentaire en 2050
Après la première prospective Agrimonde publiée en 2011 sur la sécurité alimentaire mondiale en 2050, le Cirad et l’Inra publient un second exercice prospectif sur la thématique prégnante de l’utilisation des terres et la sécurité alimentaire en 2050. Quels sont les principaux moteurs de l’utilisation des terres? Comment va évoluer la surface agricole mondiale en quarante ans ? Quelles vont être les tensions entre la sécurité alimentaire et le changement climatique en 2050 ? Pour fournir des éléments de compréhension et de réponse à ces questions, les chercheurs ont analysés les dynamiques de changement d’utilisation des terres et de sécurité alimentaire sur le long-terme, avec un focus sur cinq critères d’utilisation des terres (potentiel agronomique, accès à la terre, intensité d’utilisation de la terre, répartition des terres entre les différents usages et services rendus par les terres).
Cinq scénarios d’utilisation des terres et de sécurité alimentaire en 2050
Trois scénarios sont construits selon les trajectoire actuelles identifiées dans plusieurs régions du monde.
- « Métropolisation » : développement de mégalopoles avec une transition nutritionnelle guidée par les compagnies agro-alimentaires qui vendent des produits très transformés ou augmentent la consommation de produits animaux. Les petites exploitations agricoles sont marginalisées;
- « Régionalisation » : augmentation des villes de taille moyenne et de leur réseau avec les zones rurales, qui conduisent à l’émergence de systèmes alimentaires régionaux fondés sur l’agriculture familiale et les régimes alimentaires traditionnels. en sus, se développent toute une série d’accords régionaux, notamment commerciaux;
- « Ménages » : mobilité individuelle forte entre zones urbaines et rurales, émergence de régimes hybrides s’appuyant à la fois sur des chaines de valeurs modernes et traditionnelles, dans un monde globalisé ou les fermes familiales et les coopératives sont les principaux protagonistes de l’utilisation des terres.
Les deux derniers scénarios impliquent une rupture, réaliste, qui pourrait modifier l’ensemble des systèmes d’utilisation des terres et de sécurité alimentaire.
- « Sain » : partant d’une augmentation du coût de la malnutrition, un changement radical s’opère vers des régimes sains, conduit par une coopération globale et des politiques publiques dans un contexte de stabilisation du changement climatique. Cela implique une reconfiguration des systèmes agricoles s’appuyant sur de nouvelles alliances entre les différents parties prenantes;
- « Communautés » : dans un contexte de crises récurrentes, le développement s’appuie sur des petites villes et communauté rurales concentrées sur une gestion commune du foncier agricole de manière à assurer une sécurité alimentaire.
Les leçons tirées des scénarios sur le changement d’utilisation des terres et la sécurité alimentaire
- Assurer la sécurité alimentaire mondiale en 2050 impliquera d’augmenter les surfaces agricoles mondiales au détriment des forêts. En effet, seul le scénario « Sain » est en mesure d’assurer une sécurité alimentaire mondiale soutenable en 2050. « Métropolisation » et « Communauté » ne sont pas capables d’atteindre l’objectif sans déforestation et les deux autres scénarios, « Régionalisation » et « Ménages », amènent à des résultats contradictoires;
- Du point de vue nutritionnel, « Sain » est le scénarios qui contribue le mieux à la réduction de la suralimentation et des maladies associées mais aussi à diminuer la malnutrition. « Métropolisation » contribue le plus au développement du surpoids, de l’obésité et des maladies associés. Le scénario « Communautés » conduirait à réduire la disponibilité alimentaire au niveau mondial et régional. « Régionalisation » va dans le sens d’une sécurité alimentaire et nutritionnelle au niveau mondial et régional mais conduit à des résultats contradictoires sur la disponibilité alimentaire. « Ménages » contribue à la fois à réduire la malnutrition et à des résultats contradictoires sur la suralimentation.
- Quelque soit le scénario, le commerce international jouera un rôle clef dans l’assurance d’une disponibilité alimentaire mondiale en 2050 et quelques régions comme l’Afrique du Nord et le Proche et Moyen-Orient deviendront probablement très dépendants de l’importation d’aliments.
- Augmenter la diversité alimentaire et nutritionnelle pour aller vers des régimes alimentaires plus sains en 2050, tout en limitant l’expansion des terres agricoles et de la déforestation demandera une plus grande diversification dans les systèmes de cultures et d’élevage.
Conclusions
- Il n’existe pas un chemin pour arriver à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Chaque pays et région devra trouver son propre tracé en cohérence avec les responsabilités communes nécessaire pour faire face aux défi globaux;
- Des changements au niveau de l’offre et de la demande sont nécessaires pour assurer une transition vers des régimes diversifiés et sains, ainsi que la réduction des pertes et gaspillages;
- Les futures systèmes de cultures et d’élevage sont la pierre angulaire d’une sécurité alimentaire en 2050, et des recherches plus poussées doivent être menées sur leurs performances économiques, sociales et environnementales;
- L’importance du commerce et le rôle des nouveaux acteurs demande à repenser l’organisation globale;
- Tous ces points implique de garantir l’accès aux terres pour tout type de structure agricole, et à ce que nous nous occupions du développement rural.
L’ensemble des documents sont disponibles sur le site du Cirad et de l’Inra.
Article 13/22 du dossier "Régimes alimentaires sains et durables"
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