Bien-être animal dans l’UE : réduire l’écart entre des objectifs règlementaires ambitieux et la réalité de la mise en œuvre (article de synthèse)
Bien que l’Union européenne ait mis en place des objectifs ambitieux en matière de bien-être animal, ceux-ci peinent à se concrétiser dans les exploitations et les abattoirs, selon un audit publié le 14 novembre 2018 par la Cour des Comptes européenne.
Les normes de l’UE en matière de bien-être animal font partie des plus strictes au monde et comportent des règles concernant l’élevage, le transport et l’abattage des animaux d’élevage. Les citoyens nourrissent en effet une inquiétude croissante à l’égard des effets de l’élevage sur le bien-être animal, et de son impact corrélé sur la santé publique. Afin de vérifier l’application de ces normes, la Cour des Comptes européenne a mené plusieurs audits entre septembre 2017 et juin 2018, dans cinq États membres (Allemagne, France, Italie, Pologne et Roumanie). Bilan ? Les examinateurs ont noté que l’action de l’UE avait porté ses fruits, mais que le respect des normes minimales, sur la période 2012-2018, n’était pas toujours sans failles.
Faiblesses et manquements
Le rapport de la Cour des comptes pointe des problèmes liés au bien-être animal qui restent d’actualité sur l’exploitation, pendant le transport et lors de l’abattage.
1) Élevage
Le bien-être des animaux ne va pas toujours de pair avec les intérêts économiques des exploitants, notent les auditeurs. Les systèmes intensifs peuvent déclencher chez ces derniers des comportements anormaux, tels que la caudophagie chez les porcs. Pour lutter contre ces comportements indésirables, il est de pratique courante de procéder à des modifications physiques douloureuses pour les animaux, en particulier la caudectomie, retrouvée dans des élevages de porcs industriels français.
La Commission a par ailleurs recommandé aux inspecteurs français dès 2010 d’utiliser des équipements appropriés pour mesurer des paramètres tels que la température, l’intensité lumineuse et les concentrations en gaz, dans les exploitations mais aussi pendant le transport. Les auditeurs notent que les exigences législatives correspondantes sont en vigueur depuis 2000. Pourtant, lors d’un audit dans un élevage de poules pondeuses, il a été remarqué que les inspecteurs ne disposaient pas de l’équipement nécessaire à la mesure de la concentration en ammoniac dans le bâtiment, alors même qu’il était noté dans le rapport d’inspection que l’exigence correspondante était respectée.
2) Transport
La diminution des densités de chargement et l’interruption des trajets afin de laisser les animaux se reposer ne sont pas toujours respectées. En France, les inspections officielles aux postes de contrôle (où les animaux se reposent en cas de transport sur de longues distances) n’étaient pas satisfaisantes en 2009. Un manuel de procédures devait alors être révisé à l’intention des inspecteurs, mais aucun document n’était disponible lors de l’audit en décembre 2017.
3) Abattage
Pendant les opérations d’abattage, la vitesse de la chaîne de production constitue un facteur clé pour la productivité, mais elle peut nuire à la bonne manipulation des animaux. En France, les autorités compétentes exigent des abattoirs qu’ils tiennent des registres des commandes commerciales justifiant, le cas échéant, le recours à la dérogation d’étourdissement. Mais les autorités disposent d’une vue d’ensemble limitée, provenant des opérateurs, lesquels indiquent avoir appliqué cette méthode pour 14 % des bovins et 30 % des ovins abattus en 2015. En outre, aucune information n’est disponible pour les volailles et les caprins. Les auditeurs ont par ailleurs relevé des pratiques inadéquates dans un abattoir de veaux français où l’étourdissement était pratiqué en zone occipitale plutôt que frontale.
4) Contrôles
Les auditeurs ont constaté que, dans tous les États membres, les vétérinaires officiels étaient chargés de l’inspection régulière des abattoirs. Ils ont relevé de bonnes pratiques en France, où des agents spécialisés, qui n’officient pas dans l’établissement, exercent des activités de surveillance des abattoirs, atténuant ainsi le risque de conflit d’intérêts.
Les auditeurs ont par ailleurs souligné positivement que la France obligeait les inspecteurs à planifier leurs contrôles dans les exploitations, sur la base des antécédents des opérateurs, des plaintes reçues, du recours à la prophylaxie, de données provenant des abattoirs ou en fonction d’autres indicateurs.
Conclusion et recommandations
À la suite des différents audits, les examinateurs ont émis quatre recommandations :
- La Commission devra évaluer les effets de sa stratégie et élaborer, pour 2021, des indicateurs pourvus de valeurs de référence et de valeurs cibles, afin de mesurer et de comparer le respect de la législation par les États membres ;
- La Commission devra également renforcer les dispositifs de suivi des recommandations de la Direction générale de la Santé. Pour ce faire, les Etats sont incités à utiliser les outils d’analyses de risque disponibles (comme TRACES*) pour le transport ;
- La Commission devra améliorer la coordination entre les inspections officielles et les contrôles, afin que les sanctions appliquées dans le cadre de la conditionnalité soient proportionnées à la gravité des cas de non-conformités détectés.
- Les Etats devront faire du bien-être animal l’un des objectifs spécifiques du développement rural 2021-2027.
*TRACES : Trade Control and Expert System (système expert de contrôle des échanges) – outil de gestion en ligne multilingue de la Commission, qui centralise l’ensemble des exigences sanitaires et suit les mouvements des animaux, du sperme et des embryons, des denrées alimentaires, des aliments pour animaux et des végétaux, commercialisés ou importés dans l’UE.
Source : Cour des comptes européenne.
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