Stéatose hépatique non alcoolique : la viande faussement coupable (Article d’analyse)
Nos différences génétiques influent sur nos risques de développer des maladies métaboliques. C’est un fait avéré depuis longtemps. Mais ce qui l’est moins, ce sont les interactions entre nos consommations alimentaires et nos polymorphismes. Et si la viande, parfois incriminée, n’était que le révélateur de ces prédispositions génétiques ? Une étude transversale multicentrique indique que l’association entre une consommation élevée de viande et le risque de stéatose hépatique non alcoolique n’est observée que chez les porteurs du polymorphisme du gène PNPLA3.
La stéatose hépatique non alcoolique, traduction de l’anglais Non-Alcoholic Fatty Liver Disease (NAFLD), est une maladie métabolique liée à l’accumulation de graisse au niveau hépatique. Elle touche près d’un tiers de la population adulte mondiale, et peut évoluer vers une stéatohépatite non alcoolique (NASH), voire une fibrose étendue du foie (cirrhose dite « métabolique »). Cette NAFLD est en partie liée à l’apport alimentaire et des études transversales et cas-témoins ont observé une prévalence accrue chez les grands consommateurs de viande rouge. Toutefois, récemment, des études d’associations pangénomiques (nalyses recherchant les corrélations entre variations génétiques et traits phénotypiques) ont identifié des variants du gène PNPLA3 modulant la quantité de graisse dans le foie et la sévérité histologique de la NAFLD. Des interactions entre ces variants, d’une part, et les sucres et acides gras polyinsaturés du régime alimentaire, d’autre part, ont été observées. Mais qu’en est-il des apports en viande ?
UNE ÉTUDE AUPRÈS DE POPULATIONS AUX CONSOMMATIONS DISTINCTES
Une étude menée par des équipes israélienne et brésilienne vient de tester l’association entre la présence conjointe du polymorphisme génétique G PNPLA3 rs738409 et d’une consommation élevée de viande (séparée selon le type), et la présence de NAFLD dans deux populations aux habitudes de consommations différentes, l’une connue pour sa forte consommation de viande rouge (population brésilienne) et l’autre pour sa préférence pour la volaille (population israélienne). La NAFLD était mesurée par l’indice de stéatose hépatique (FLI : Fatty Liver Index). Un FLI < 30 exclut une stéatose, un FLI ≥ 60 indique la présence d’une stéatose, tandis qu’un FLI compris entre 30 et 60 ne peut ni exclure ni confirmer une stéatose.
LA VIANDE TRANSFORMÉE ASSOCIÉE À LA STÉATOSE
L’analyse des données des 511 sujets a rapporté la présence d’une stéatose chez 37,6 % des sujets et la présence possible mais non confirmée d’une stéatose chez 62,4 % des sujets. Les tests génétiques ont révélé que 43,2 % des sujets israéliens et 53,4 % des sujets brésiliens portaient un polymorphisme sur PNPAL3.
Chez les porteurs du polymorphisme PNPLA3 et uniquement chez eux :
- Le risque de stéatose (FLI ≥ 60) était accru dans le cas d’une consommation élevée* de viande transformée (OR = 2,40, IC à 95 % 1,04-5,56, p=0,040) et n’était pas associé à la consommation d’autres types de viande (données non significatives).
- Le risque de stéatose possible mais non confirmée (30<FLI<60) était augmenté par une consommation élevée* de viande (OR = 2,75, 95%CI 1,27-5,97, p=0,011) et en particulier de viande rouge (OR = 3,24, 1,43-7,34, p=0,005), même après ajustements sur l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle (IMC) et la consommation d’alcool, de glucides et d’acides gras saturés.
UN MÉCANISME INCONNU
Le mécanisme expliquant l’association combinée du polymorphisme PNPLA3 et de la consommation de viande rouge avec la NAFLD est inconnu. Plusieurs hypothèses sont évoquées comme celle associant la mutation sur le gène PNPLA3 à une diminution de son activité lipolytique, augmentant ainsi l’accumulation de triglycérides dans le foie. Les porteurs du polymorphisme pourraient aussi courir un risque plus élevé de lésions hépatiques causées par un apport déséquilibré en oméga-6 par rapport aux oméga-3 consécutif d’une forte consommation de viande.
Les chercheurs concluent que si ces données sont confirmées par d’autres études prospectives, il pourrait être judicieux de recommander aux porteurs du polymorphisme G PNPLA3 rs738409 d’éviter une trop grande consommation de viande rouge et de viande transformée. Quant à l’association entre risque de développer une NAFLD et consommation élevée de viande, elle devrait être relativiser au regard de cette prédisposition génétique.
* Une consommation élevée était définie comme une consommation supérieure à la médiane : Viande totale ≥ 92,35 g/j (Israël) ou ≥ 134,79 g/j (Brésil) ; Viande rouge et/ou transformée ≥ 32,96 g/j (Israël) ou ≥ 102,29 g/j (Brésil) ; Viande rouge non transformée ≥ 23,21 g/j (Israël) ou ≥ 81,60 g/j (Brésil) ; Viande transformée ≥ 3,33 g/j (Israël) ou ≥ 17,40 g/j (Brésil).
Référence : Mario Reis Alvares-da-Silva, Dana Ivancovsky-Wajcman, Claudia P. Oliveira et al. High red meat consumption among PNPLA3 polymorphism carriers is associated with NAFLD in a multi-center cross-sectional study. Eur J Clin Nutr 78, 442-448 (2024) (PDF sur abonnement)
Source : European Journal of Clinical Nutrition (nature.com)
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