Syndrome hémolytique urémique pédiatrique, bilan de 10 années de surveillance en France
Depuis 1996, le syndrome hémolytique urémique (SHU) pédiatrique fait l’objet d’une surveillance en France dont la coordination est assurée par Santé publique France. Un article publié dans Eurosurveillance par Santé publique France et ses partenaires décrit les principaux résultats de cette surveillance en France entre 2007 et 2016.
Les Escherichia coli producteurs de Shiga toxines (STEC) sont des bactéries responsables de diarrhées généralement sanglantes, qui se compliquent par la survenue d’un syndrome hémolytique urémique (SHU) dans 5 à 15 % des cas. Le SHU est la principale cause d’insuffisance rénale aiguë chez le jeune enfant. Il s’agit d’une maladie rare mais grave, dont les séquelles sont fréquentes. La contamination peut résulter de la consommation d’aliments ou d’eau contaminés, d’un contact avec un animal ou un environnement contaminés, la transmission peut avoir lieu de personne à personne.
3 questions à Mathias Bruyand, Santé publique France
L’une des missions de Santé publique France est la surveillance des infections par Escherichia coli producteurs de Shiga toxines et du syndrome hémolytique urémique (SHU). Comment cette surveillance est-elle organisée en France ?
Depuis 1996, la surveillance du SHU chez l’enfant de moins de 15 ans repose sur un réseau hospitalier de services de pédiatrie. Les pédiatres notifient les cas à Santé publique France sur la base du volontariat. Les objectifs de cette surveillance sont de décrire les tendances spatiales et temporelles du SHU pédiatrique, les caractéristiques des cas et des souches de STEC qui les affectent, et détecter les épidémies afin de guider les mesures de contrôle et de prévention.
Le Centre National de Référence et son laboratoire associé réalisent la recherche des souches de STEC dans les selles. Ces souches font l’objet en routine d’une caractérisation fine et d’une comparaison par séquençage entier du génome au CNR, ce qui permet d’identifier des clusters de souches ayant les mêmes caractéristiques. Lorsque le CNR détecte un cluster, il en informe Santé publique France qui met en place une investigation épidémiologique visant à rechercher un lien entre les cas. Si un lien épidémiologique est mis en évidence entre les cas, l’alerte est donnée et une équipe d’investigation est mise en place afin d’identifier précisément la source de l’épidémie, pour permettre la mise en place des mesures de contrôle et de prévention.
Quel est le bilan de 10 années de surveillance du SHU chez les enfants ? Y a-t-il eu des épidémies d’importance qui ont mobilisé les instituts de santé publique à l’échelon européen ?
Entre 2007 et 2016, 1 215 cas de SHU pédiatriques ont été notifiés, soit un taux d’incidence de 1.0 cas /100 000 personnes-années. En médiane, 116 cas ont été notifiés chaque année. L’âge médian au diagnostic était de 30 mois.
Le taux d’incidence le plus élevé a été observé en 2011(1.3 cas/100 000 personnes-années), puis il a baissé jusqu’en 2016 (1.0 cas /100 000 personnes-années). Une saisonnalité a été observée chaque année (la majorité des cas ayant été notifiés en été), ainsi qu’une hétérogénéité spatiale (les régions de Basse-Normandie et de Franche-Comté ont été les plus touchées).
Le sérogroupe de STEC O157, historiquement le plus fréquent, a atteint un pic en 2011 (37 cas) avant de décroître jusqu’en 2016 (7 cas). Ce sérogroupe est très virulent et souvent associé à la survenue d’un syndrome hémolytique urémique (SHU). Deux sérogroupes ont clairement émergé : le O26 depuis 2010 (28 cas en 2016) et le O80 depuis 2012 (18 cas en 2016).
Quatre épidémies de SHU à STEC d’origine alimentaire ont été détectées en France sur cette période. La première impliquait un STEC O104 et était liée à la consommation de graines germées. Cette épidémie, qui a causé 7 cas de SHU en France (6 adultes et 1 enfant), a généré plusieurs milliers de cas en Europe principalement en Allemagne, dont plusieurs dizaines de décès*. Les trois autres épidémies en France impliquaient des STEC O157 et étaient liées à la consommation de steak haché (2 épidémies) et de camembert au lait cru (1 épidémie).
Enfin, deux épidémies en lien avec une transmission interhumaine ont été détectées dans des crèches : une en Bretagne impliquant une souche de STEC O111 et une dans le sud de la France impliquant une souche de STEC O26.
En conclusion, les principales mesures permettant de prévenir les infections à STEC doivent être rappelées, en particulier la consommation de fromage au lait cru (ou de lait cru) doit être évitée chez les jeunes enfants, et les steaks hachés doivent être consommés cuits à cœur.
Votre étude montre des changements dans les sérogroupes observés des souches de STEC responsables de SHU au cours de la période. En quoi la technique de séquençage du génome entier (Whole-Genome Sequencing, WGS) va-t-elle permettre d’améliorer la surveillance du SHU ?
La description des souches qui affectent les cas nous a permis de montrer que les sérogroupes de STEC ont évolué pendant la période d’étude.
Une augmentation inattendue du nombre de cas de SHU signalés peut faire suspecter une épidémie avant même que les données microbiologiques soient disponibles. En revanche, si des cas liés à une épidémie sont peu nombreux et répartis sur une période de temps assez longue, ou sur une grande zone géographique, la surveillance épidémiologique seule peut ne pas détecter l’évènement.
La technique du WGS permet de caractériser très finement les souches de STEC en routine et de les comparer. Il est ainsi possible de détecter des clusters, y compris de petite taille et étalés dans le temps ou dans l’espace. L’isolement des souches de STEC et leur séquençage prennent quelques semaines, la surveillance microbiologique vient donc en complément de la surveillance épidémiologique qui permet un signalement des cas dès le diagnostic de SHU.
En conclusion, ce système de surveillance combinant des données épidémiologiques sur les cas et microbiologiques sur les souches permet de détecter l’émergence de nouveaux sérogroupes. Ce fut le cas par exemple pour l’épidémie de STEC O104 en lien avec des graines germées : il s’agissait de la première épidémie de SHU à STEC O104 observée en France et en Europe.
* King LA, Nogareda F, Weill FX, Mariani-Kurkdjian P, Loukiadis E, Gault G, et al. Outbreak of Shiga toxin-producing Escherichia coli O104:H4 associated with organic fenugreek sprouts, France, June 2011. Clin Infect Dis. 2012;54(11):1588-94. https://doi.org/10.1093/cid/cis255 PMID: 22460976
Référence : Bruyand M, Mariani-Kurkdjian P, Le Hello, Simon, King, L and Van Cauteren D et al. and Réseau français hospitalier de surveillance du SHU pédiatrique. Paediatric haemolytic uraemic syndrome related to Shiga toxin-producing Escherichia coli, an overview of 10 years of surveillance in France, 2007 to 2016. Eurosurveillance, 24, 1800068 (2019).
Source : Santé publique France.
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