Transformer notre système alimentaire pour un avenir durable (Article de synthèse)
L’enjeu fait la une en ce début d’année 2019 : nourrir 10 milliards de personnes à l’horizon 2050, sans aggraver la pauvreté, ni accélérer la déforestation ou augmenter nos émissions est-il envisageable ? Oui, sous réserve d’amorcer dès maintenant des changements majeurs de notre système alimentaire s’accordent les experts. Mais lesquels ? Le World Resources Institute (WRI) donne des pistes de réflexion compilées dans un nouveau rapport intitulé « Créer un avenir alimentaire durable » et réalisé en partenariat avec la Banque mondiale, l’ONU Environnement, l’ONU Développement, le Cirad et l’Inra.
Dans son rapport publié en décembre 2018, le World Resources Institute (WRI) dresse un constat : d’ici 2050, la demande alimentaire globale devrait augmenter de 56 % et jusqu’à 68 % pour celle en aliments d’origine animale (viande, produits laitiers et œufs). Et de proposer différentes solutions pour réussir à nourrir près de 10 milliards de personnes à cet horizon pas si lointain, avec un triple défi : réduire l’insécurité alimentaire et les émissions de gaz à effet de serre (GES), tout en limitant l’expansion agricole. Une sorte de mise en application du scénario « Sain » de la prospective Agrimonde-Terra (voir article « Prospective Agrimonde-Terra : utilisation des terres et sécurité alimentaire en 2050 »).
22 propositions pour une alimentation saine et plus durable
Pour y parvenir, pas de remède miracle, mais plusieurs propositions pour constituer les bases d’une alimentation saine et plus durable. En ligne de mire, les grandes orientations préconisées, à savoir : ralentir la progression de la demande en produits alimentaires et agricoles ; augmenter la production alimentaire sans expansion agricole ; protéger et restaurer les forêts, les savanes et les tourbières ; augmenter les ressources halieutiques grâce à une meilleure gestion de la pêche et à l’aquaculture ; réduire les émissions de GES issus de la production agricole. Obtenir les résultats escomptés ne sera possible qu’avec l’implication de plusieurs millions d’agriculteurs, d’entreprises, de consommateurs, ainsi que de tous les gouvernements, souligne le WRI.
Réduire la demande alimentaire et augmenter les productivités
Pour ralentir la croissance de la demande alimentaire, le rapport liste plusieurs pistes à mener de front : réduction des pertes et gaspillages alimentaires, réorientation des régimes alimentaires des grands consommateurs de viande vers plus d’aliments d’origine végétale, arrêt de l’expansion de la production de biocarburants et amélioration de l’accès des femmes à l’éducation et aux soins en Afrique.
Autre point clé mis en avant par les experts : la nécessité d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles et d’augmenter la productivité des cultures et du bétail.
Une réduction ciblée de la consommation de viande de ruminants
Concernant la consommation de viande, selon les auteurs, celle-ci doit être réduite car, d’une part, l’élevage de ruminants utiliserait actuellement les deux tiers des terres agricoles mondiales (certes mais une part importante de terres non arables) et, d’autre part, contribuerait environ à la moitié des émissions liées à la production agricole (une donnée à nuancer car ne tenant pas compte des autres critères d’impacts environnemnetaux et des bénéfices apportés par l’élevage).
Quoi qu’il en soit, après modélisation, les experts concluent que, pour répondre à la demande croissante sans augmenter les émissions de GES et l’expansion agricole, les 20 % de la population mondiale les plus forts consommateurs de viande de ruminant devront réduire leur consommation moyenne de 40 % d’ici 2050 par rapport à leur consommation de 2010 (soit une consommation cible équivalent à 150 g de viande de ruminant/personne/semaine). Notons que cette proportion est à relativiser à l’échelle de chacun des pays concernés, au sein desquels seuls les grands consommateurs (soit 20 % des adultes par exemple en France) auraient à revoir leur consommation à la baisse.
En conclusion
Loin de prôner l’éviction de la viande de ruminant des régimes pour l’ensemble des populations, le WRI recommande donc que l’effort en la matière se concentre sur les pays les plus gros consommateurs (ex-Union soviétique, pays d’Amérique latine et notamment Brésil, Amérique du Nord, Canada…). Sous réserve que cette consommation de viande n’augmente que modérément dans le même temps en Chine, les experts estiment qu’un tel changement permettra à la demande en viande de ruminant de n’augmenter que d’un tiers entre 2010 et 2050, au lieu des 88 % de croissance estimés selon leurs prévisions sans évolution des comportements.
Source : World Resources Institute.
Article 21/22 du dossier "Régimes alimentaires sains et durables"
Contact Info-Veille Scientifique
-
Valerie MILCENT01 42 80 99 85 v.milcent@interbev.fr