Un changement de cap pour une alimentation durable (Article de synthèse)
L’Inra et le Cirad viennent de publier les résultats d’un exercice de prospective axé sur l’utilisation des terres face au défi de la sécurité alimentaire en 2050. L’ouvrage s’intitule « Land Use and Food Security in 2050: a Narrow Road ». Objectif : identifier les leviers susceptibles de modifier les actuels schémas d’utilisation des terres pour améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de tous va nécessiter de mieux utiliser les terres et de changer de cap. Telle est en substance la conclusion de la prospective Agrimonde-Terra, dont les résultats viennent d’être publiés dans l’ouvrage Land Use and Food Security in 2050: a Narrow Road, paru en septembre 2018. Les 400 pages de cet ouvrage téléchargeable gratuitement rassemblent les détails de l’étude menée pendant 4 ans par le Cirad et l’Inra avec l’appui d’un grand nombre d’experts du monde entier.
Cinq scénarios étudiés, un seul durable
Au total, cinq scénarios ont été construits : trois scénarios reposant sur les tendances en cours (intitulés « Métropolisation », « Régionalisation » et « Ménages »), et deux scénarios impliquant des ruptures potentielles qui pourraient modifier l’ensemble du système d’utilisation des terres et de la sécurité alimentaire (intitulés « Sain » et « Communautés »). Selon l’étude, seul le scénario « Sain » permet d’atteindre une sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale durable en 2050.
Ce scénario permet de réduire significativement la sous-nutrition et de traiter les problématiques de sur-nutrition et les maladies associées, sans provoquer d’expansion significative des surfaces agricoles. En outre, le système agricole proposé dans ce scenario contribue à l’atténuation du changement climatique, la création d’emplois et la préservation des ressources naturelles.
Changer de cap
Le problème : le scénario « Sain » est un scénario de rupture, qui impose de changer de cap. En effet, les tendances actuelles des systèmes agricoles et alimentaires, dans la plupart des régions du monde, convergent vers le scénario « Métropolisation », qui n’est pas durable en termes d’utilisation des terres et de santé humaine.
Au regard des résultats de l’étude, le défi consistera donc, dans les décennies à venir, à s’orienter vers des systèmes durables d’utilisations des terres et d’alimentation. Cela implique une transformation systémique, des politiques publiques fortes dans tous les secteurs et à toutes les échelles, ainsi que des actions cohérentes de la part de toutes les parties prenantes.
Quid de l’élevage ?
Un chapitre de cet ouvrage est spécifiquement dédié à la question de l’élevage, secteur considéré à la fois comme très important pour l’utilisation des terres et très diversifié en termes de rôle, d’efficacité et de mise en œuvre dans le monde entier.
Le scénario « Sain » impliquerait de nombreux changements structurels, que ce soit en termes de structures d’exploitations (des producteurs mieux intégrés dans les systèmes alimentaires, davantage de coopératives), d’intégration entre le monde rural et urbain (e.g. magasins directs de paysans) ou de modes de culture (e.g. davantage d’agroécologie pour stocker plus de carbone dans les sols, davantage d’associations cultures-élevage). Selon les auteurs, ce scénario nécessiterait des modifications de régimes alimentaires : à la fois en termes quantitatifs (par exemple, une réduction de la consommation de viande – voir encadré – dans les pays forts consommateurs de l’OCDE, mais pas dans les pays de faible consommation) et qualitatifs (augmentation de la part de volaille, réduction de la proportion de bœuf). Cette dernière proposition en termes de régime soulève néanmoins d’autres questions, puisque la volaille consomme des aliments en concurrence avec l’alimentation humaine, contrairement aux ruminants (bœuf) dont l’alimentation reste majoritairement composée d’herbe.
Enfin, les auteurs insistent sur le fait que la mise en place d’un scénario « Sain » nécessiterait à la fois une impulsion politique (l‘élément déclencheur pouvant être le coût santé exponentiel des pathologies liées à l’alimentation) et une cohérence de toute la filière agroalimentaire, de la production à la consommation en passant par la transformation.
Eclairage méthodologique
Référence : Land Use and Food Security in 2050: a Narrow Road. Agrimonde-Terra. Coord. par Ch. Le Mouël, M. De Lattre-Gasquet, O. Mora. Ed. Quae, 2018. ISBN : 978-2-7592-2881-2.
Article 3/22 du dossier "Régimes alimentaires sains et durables"
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