Viandes rouges, viandes transformées et cancérogénèse
Méthodologie: Cette revue de la littérature scientifique couvre les articles sur l’association entre la consommation de viande rouge et de viandes rouge transformée et le risque de cancer, publiés depuis la publication des conclusions du rapport du CIRC en octobre 2015 et jusque février 2017.
Résultats : Concernant la relation viande rouge-viande transformée (charcuterie) et cancer colorectal, 12 études épidémiologiques et revues ont été publiées depuis oct 2015. La méta-analyse de Lippi et al (2016) conclut en faveur du rapport du CIRC. Celle de Carr et al (2016) suggère que le risque diffère selon le type de viande considéré (pas d’association avec le porc ni la volaille, association modérée avec le bœuf et l’agneau) et observe que la survie après un cancer colorectal n’est pas associée aux consommations de viandes et produits dérivés au départ. Dans la cohorte européenne EPIC, l’étude de Ward et al (2016) indique que la mortalité après cancer colorectal n’est pas associée aux consommations de viandes rouges (mesurées avant le diagnostic) mais pourrait l’être avec celles de volailles et de viandes rouges transformées. Rohrmann et Linseisen (2016) listent les associations observées entre les consommations élevées de viandes transformées et la mortalité et cancer mais, constatant un certain degré d’hétérogénéité entre les études, rappellent qu’il faut prendre en compte le fait que les petits consommateurs de viande rouge ou transformée ont aussi tendance à avoir un régime alimentaire et un mode de vie globalement plus sain. De Smet et Vossen (2016) passent en revue l’intérêt nutritionnel des viandes rouges et les possibilités d’amélioration des relations entre la consommation des viande et le risque de maladies chroniques en agissant sur la production/l’élevage et sur les modes de préparation. Ils suggèrent d’étudier les interactions entre les viandes et les autres aliments du régime alimentaire. Demeyer et al (2016) soulignent l’importance d’étudier les mécanismes d’action des composés chimiques présents dans les viandes et produits dérivés (dont le sel). Jeyakumar et al (2017) listent les molécules contenues dans la viande, connues pour leur potentiel rôle dans la cancerogène sur les cellules du colon. Pour eux, les produits dérivés ont un potentiel cancérogène plus important en raison de leur contenu en heme nitrosylé. Leurs conclusions sont en accord avec celles du CIRC. Wolk (2017) rapporte que la consommation supplémentaire de 100 g/jour de viande rouge non transformée est associée à une augmentation de 17 % du risque de cancer colorectal. Il rappelle également que la consommation de viandes rouges transformées (50g/j supplémentaires) est associée à une augmentation des risques de cancer de la prostate (4%), de la mortalité (8%), du cancer du sein (9%), colorectal (18%) et du pancréas (19%). Grundy et al (2016) rapportent que 12 % des cancers colorectaux à Alberta sont liés à la consommation de viandes rouges totales. Boada et al (2016) concluent, d’après leur une revue de la littérature, que les preuves sont suffisantes concernant l’association entre les consommations élevées de viandes transformées et le risque de cancer colorectal mais pas concernant les associations entre les consommations de viandes non transformées et le risque de cancers. Enfin, l’âge des sujets est évoqué par Kouvari et al (2016) qui estiment que ce facteur n’est pas suffisamment pris en compte dans les études. Des associations avec d’autres cancers (pancréas, prostate, cou, lymphome, vessie) sont aussi rapportées (Butler et al., 2017; Caini et al., 2016; Lippi et al., 2016; Grundy et al., 2016; Miles et al., 2016; Wolk, 2017; Wu et al., 2016). Les auteurs de cet article estiment qu’il existe encore d’importantes lacunes dans la connaissance des mécanismes d’action. Le CIRC a principalement concentré les risques sur trois groupes de composés cancérogènes (NOC, HAP et AHA) générés au cours de la cuisson. Or, certains d’entre eux (HAP) et d’autres composés (dioxine like PCB, PCDD/F…) sont déjà présents dans les viandes non transformées et à des concentrations variables selon les viandes et leur origine. Autre sujet à explorer, les viandes blanches qui ont récemment montré dans deux études (de Battle et al 2016 ; Ward et al 2016) une association avec le cancer colorectal.
Conclusion : 18 mois après le communiqué de presse du CIRC (2015) sur la cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de la viande transformée, la plupart des nouvelles publications soutiennent cette décision. Cependant, les études ne concluent pas toutes de la même manière quant aux relations selon le type de viande (transformées ou pas, etc.) et mettent en avant plusieurs questions ou lacunes dans les connaissances actuelles qui devraient faire l’objet d’études supplémentaires. Ainsi, il est fondamental d’établir les mécanismes qui conduisent à un risque accru de cancer colorectal et d’autres cancers chez les consommateurs de viande rouge et transformée. Une autre question reste à élucider, celle du rôle des carcinogènes connus / suspectés, contenus dans les viandes non cuites ou non transformées, ainsi que l’influence de la préparation et cuisson. Il est également important de mener des études épidémiologiques qui permettent d’établir clairement si la consommation de porc et / ou de volaille est associée ou non à un risque accru de cancer colorectal et d’autres types de cancer.
Source : Domingo JL, Nadal M. Carcinogenicity of consumption of red meat and processed meat: A review of scientific news since the IARC decision. Food Chem Toxicol.
Article 2/59 du dossier "Viande, alimentation et cancer"
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